Maman solo, entrepreneuriat solidaire… La voie du guerrier ?

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Emmanuelle Simonet

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L’idée d’écrire cet article m’est venue après avoir répondu à l’appel d’une maman solo, sur le groupe de la communauté des élèves LiveMentor, qui souhaitait échanger avec d’autres mamans solos freelance.

Elle se posait plusieurs questions :

• Comment concilier sa vie personnelle en tant que maman seule et sa vie professionnelle d’entrepreneur ?
• Comment faire face aux difficultés ?
• Comment gérer l’aspect « sécuritaire » et financier ?
• Comment ça se passe au quotidien ?

Bref, tout un tas d’interrogations et de peurs qui nous submergent, quand on veut se lancer dans la belle aventure de l’entrepreneuriat et qu’on est, d’autant plus, seule à gérer son foyer.

Nous avons donc échangé au téléphone, je lui ai raconté rapidement mon parcours, quel était mon quotidien, comment je gérais les difficultés et, avant tout, je lui ai parlé de ma perception des choses.

Lorsque j’ai raccroché, j’étais heureuse d’avoir pu l’aider à y voir plus clair, d’avoir un peu désamorcé quelques peurs, et surtout, je me suis rendue compte, grâce à ce qu’elle m’a dit, que mon expérience pouvait apporter à d’autres personnes.

Je prends donc ma plus belle plume pour vous raconter mon histoire.

Commençons par le début…

Je m’appelle Emmanuelle, j’ai 38 ans.

Jeune, je n’ai jamais trop su exactement ce que je voulais faire dans la vie, je n’ai jamais été carriériste, comme on dit mais j’avais déjà un penchant pour les chemins de traverse.

Ce qui est sûr, c’est que, pour reprendre cette belle citation de John Lennon :

A l’école, quand on m’a demandé d’écrire ce que je voulais être plus tard, j’ai répondu « heureux ». Ils m’ont dit que je n’avais pas compris la question, je leur ai répondu qu’ils n’avaient pas compris la vie.

Passionnée par l’art, j’ai donc entrepris des études en Arts Plastiques sans trop savoir où cela me mènerait, l’essentiel, pour moi, était de faire des études que j’aimais même si cela ne débouchait pas sur grand chose.

Cela dit, vivre de mon travail de plasticienne m’aurait vraiment plu.

C’est d’ailleurs ce que j’ai essayé de faire quelques temps plus tard ; j’ai réussi à exposer mes travaux dans quelques galeries pour me rendre compte, qu’au final, cela me demandait trop de compromis, notamment au niveau de la façon dont j’appréhendais mon travail de l’art.

J’ai alors décidé de renoncer à en vivre et je me suis mise à créer en dilettante pour m’épanouir pleinement dans la création.

Après mes études, il me fallait donc un gagne-pain pour pouvoir subsister.

Je me suis alors spécialisée dans le graphisme, j’avais déjà de bonnes bases en matière d’infographie et j’étais créative.

J’ai donc travaillé en agence de pub, j’ai eu de la « chance », je suis tombée sur une petite structure qui collait très bien à ma personnalité (pas ce genre d’agence snobinarde où les graphistes se prennent pour des dieux vivants de la créativité).

Quelques années plus tard, j’ai eu droit à un licenciement économique et la crise de 2008 passant par là, trouver du travail a commencé à s’avérer beaucoup plus compliqué que jusqu’alors.

J’ai donc fait des petits boulots pour manger.

Comme je n’ai jamais été une grande consommatrice, je me contentais de peu sur le plan matériel.

C’était cependant plus difficile sur le plan « moral » et le marché du graphisme étant saturé, trop de demandes pour peu d’offres, il fallait trouver une solution plus pérenne.

J’ai alors fait une formation de web designer, que j’ai pu me faire financer par le Fongécif… J’étais trop contente, payée à me former, génial !

Je ne sais pas si on peut appeler ça de la chance, ou le fait de croire en sa bonne étoile, ou encore de nourrir des pensées positives… Ce que je sais, c’est que j’ai toujours eu confiance en ce qui se passerait le lendemain.

Et malgré les nombreuses candidatures envoyées, aucune entreprise ne m’a embauchée.

Alors vous me direz « mais où est la chance, là dedans ? »

Et bien c’est à ce moment là que j’ai décidé de me lancer à mon compte et avec le statut d’auto-entrepreneur qui se développait, c’était très simple.

Et puis, les horaires, la hiérarchie, la routine, j’en n’avais vraiment plus envie.

J’ai donc créé mon site internet et quelques semaines plus tard, je recevais un mail de 2 entrepreneurs qui voulaient travailler en collaboration avec moi sur le long terme.

Voilà comment mon parcours de freelance a démarré.

Pendant quelques années, j’avais 2, 3 bons clients réguliers qui me faisaient vivre et des petits à-côté en plus.

Je travaillais exactement comme je voulais ; sans contrainte, sans patron et avec le privilège de pouvoir choisir mes clients.

Et puis…

Il y a maintenant bientôt 3 ans que mon plus grand bonheur est arrivé dans ma vie : ma fille.

Et cela fait maintenant bientôt 3 ans que je me refais un portefeuille de clients car les « gros » m’ont lâchée en cours de route.

Et c’est encore une chance ?

Oui ! Parce que ça m’a permis de remettre plein de choses en question et notamment mon projet professionnel.

Petit aparté !

Ma fille est ce qu’il m’est arrivé de plus beau et de plus précieux dans la vie. Je voulais passer un maximum de temps auprès d’elle.

C’est vrai que lorsqu’on est une femme freelance, la maternité est une phase compliquée.

j’ai profité du congé maternité auquel j’avais droit et cela va de soi que la vie ne s’arrête pas de tourner sans nous, surtout dans le monde des entrepreneurs.

J’ai perdu mes bons clients et un peu de mon confort de vie… mais je n’ai pas perdu le temps passé auprès de ma fille, ce temps que je n’aurais jamais pu rattraper.

Alors, c’est vrai que sur le plan financier, il faut savoir « jongler » mais je me débrouille toujours pour lui donner le meilleur.

Toujours pas devenue la grande prêtresse de la consommation, j’essaie de la nourrir sainement en évitant de lui donner des cochonneries pleines de sucre, d’additifs ou d’huile de palme, ce qui finalement, limite les dépenses.

Et j’ai la chance d’avoir, dans mon entourage, des amis qui me donnent les vêtements de leurs enfants, ce qui représente, tout de même, une certaine économie. Surtout quand on sait qu’il faut renouveler la garde-robe pratiquement tous les 6 mois. ?

Bref, c’est un mode de vie simple et qui correspond bien à mes convictions.

Question essentielle :

La maman solo me demandait si je n’avais pas peur de ne plus pouvoir, un jour, subvenir aux besoins de mon enfant car, pour elle, c’était un frein pour se lancer.
Je lui ai répondu que quoi qu’il arrive, je trouverai toujours une solution et que si je devais retrouver un petit boulot, je me remontrais à nouveau les manches.

Et c’est à ce moment précis que je me suis dit, mais c’est vrai, ce qui m’a toujours permis d’avancer comme je voulais dans ma vie, c’est précisément ça :  je n’ai pas peur car je sais qu’il y aura toujours une solution.

Et comme dirait le Dalaï Lama :

Quand vous êtes face à un problème, nul besoin d’en faire une montagne de douleur ! Soit il y a une solution et vous finirez bien par la trouver. Soit il n’y a aucune solution et dans ce cas rien ne sert de vous torturer.

Oui, j’aime bien les citations ! ?

Alors tout n’est pas toujours rose. Le plus difficile pour moi à gérer au quotidien, c’est la frustration de ne pas travailler autant de temps que j’aimerais et de ne pas donner assez de temps à ma fille.

Et oui, il faut savoir que les mamans célibataires entrepreneures ne sont pas prioritaires sur les listes d’attente des crèches.

Cela fait 2 ans que j’attends une place et que j’ai réussi cette année à avoir 3 après-midi par semaine dans une crèche associative.

Je suis donc assez frustrée de ne pas pouvoir travailler autant de temps que je voudrais.

Et quand j’essaie de travailler alors que ma fille est là, elle n’aime pas ça du tout car je ne m’occupe pas d’elle. Je suis, du coup, aussi frustrée et culpabilisée de ne pas m’en occuper.

Bref, ce n’est pas ce qui m’enchante le plus dans ces moments là alors j’essaie de sortir une solution de mon chapeau et hop, la rentrée à la maternelle n’est plus trop loin ! ?

Concilier sa vie de maman solo avec celle de l’entrepreneuriat est, avant tout, une question d’organisation, tout comme les autres mamans.

Elle peut être parfois un peu plus fatigante, parfois plus éprouvante, parce qu’on gère tout toute seule mais c’est un tel bonheur, une fois qu’on a goûté à la liberté d’être son propre patron, de ne devoir rendre des comptes qu’à soi même, de travailler pour soi, de faire naître et grandir son projet… Difficile de redevenir salariée.

Après ce petit aparté, donc…

Ces 3 dernières années m’ont permis de réfléchir à mon avenir professionnel et ce à quoi j’aspirais réellement pour notre futur : A quel monde je souhaitais participer ? Quelles valeurs je voulais transmettre à ma fille ? Et quel exemple je voulais être pour elle ?

Revenons un peu en arrière, lorsque je me suis lancée en indépendante, j’ai créé l’agence web Celluloïd afin de développer différents offres de services et pouvoir éventuellement collaborer avec d’autres entrepreneurs.

Depuis, le service le plus demandé est la création de site internet.

Je propose donc à mes clients, en plus de la conception, la possibilité de se former sur l’outil afin d’être autonome dans la gestion de leur site web.

Aujourd’hui, après avoir longuement réfléchi depuis la naissance de ma fille et afin d’être en accord avec mes convictions, je sais que vendre de la création de site internet ne m’épanouit plus complètement.

Ce que je veux, c’est participer au développement d’un monde où la compétitivité ne règne pas, et dans lequel l’entraide, la solidarité et le collaboratif sont de mise.

J’ai donc créé, depuis peu, une formation de création de site internet qui s’adresse aux personnes qui veulent développer leur activité et avoir une visibilité sur le web.

Elle est conçue selon une conception d’entrepreneuriat social et solidaire, dans le sens où je la propose, en priorité, aux personnes en difficulté, aux petits entrepreneurs, aux retraités… bref, aux personnes qui n’ont pas les moyens de se payer une formation au tarif habituel et qui n’ont pas de droits ouverts aux budgets de formation.

J’ai calculé un tarif au plus bas afin que ces personnes puissent se la financer et pour que je puisse aussi faire vivre mon foyer.

Et pour la p’tite histoire, comme je veux donner à ce projet un maximum de chances, j’ai décidé d’approfondir davantage mes connaissances en marketing digital en suivant la formation de LiveMentor… que j’ai réussie à me faire financer par le FIFPL dans le cadre de mon activité libérale… Encore un beau coup de pouce de la vie ! 

… Petit étonnement !

En essayant de faire connaître ma formation, je me rends compte à quel point les gens ne sont plus habitués à ce genre de démarche.

La semaine avant Noël, par exemple, je suis allée voir directement les petits commerçants de mon centre ville, mes flyers sous le coude.

La plupart, à peine rentrée dans leur boutique, étaient sur la défensive de peur que je leur vende je ne sais trop quoi ou pire, que je les arnaque.

C’est en parlant avec eux de ma démarche qu’ils ont commencé à baisser lentement la garde.

Et c’est là que je me dis, mais dans quel monde on vit ?

Au final, tout ce qui se passe aujourd’hui est la suite logique des choses depuis des années.

A l’école, déjà, on nous enseigne qu’il faut être le meilleur, quitte à laisse les autres sur le côté. Avec un système de notation qui n’arrange rien et qui stigmatise les enfants.

Dans l’entreprise, ensuite, et la société où on ne nous parle que de compétitivité. Même les slogans nous vendent tout et n’importe quoi à un prix « ultra compétitif ».

Quand on pense « réussite », on imagine, la plupart du temps, la réussite matérielle  : avoir une belle maison avec un beau jardin, et une belle voiture garée devant.

C’est la course à l’argent, la course au temps et finalement…

Est-ce qu’on est pour autant plus heureux ?

Je n’ai pas l’impression quand je vois la méfiance des uns vis à vis des autres et l’agressivité qui augmente chaque jour un peu plus.

Comme le sentiment que tout part dans un grand n’importe quoi ( et je ne parlerai même pas de politique ? ).

Et la planète ? Alors là, je n’ose même pas aborder le sujet tellement c’est triste…

J’ai la conviction, en tout cas, que tant qu’on nourrira l’individualisme, on ira dans le mur.

C’est pour ça que je préfère, à mon petit niveau, faire en sorte que l’Humain revienne au centre des valeurs.

D’ailleurs, à ce propos, j’aimerais lancer un groupe Facebook solidaire et collaboratif mettant en relation des indépendants entre eux. Le concept étant de proposer des échanges de services gratuits voire des prix réduits sur certaines offres de services.

Je sais qu’il en existe déjà mais je m’y perds un peu.

Qu’en pensez-vous ? Est-ce que ça vous dirait d’y participer ? N’hésitez pas à me le dire en commentaire !

Alors… La voie du guerrier ?

La douceur exquise de ma vie de maman vient largement équilibrer ma vie d’entrepreneur, davantage semée d’embûches mais ô combien appréciable.

La vie que j’ai aujourd’hui, même si elle n’est pas tous les jours facile, me conforte dans l’idée que j’ai fait les bons choix.

Mon indépendance et ma liberté n’ont pas de prix.

Maintenir le cap, garder ses objectifs, travailler, être patient et croire en ses projets… Encore et toujours !

Le plus gros combat, est celui du monde qu’il nous reste encore à construire, n’est-ce pas ? ?

Un grand merci à l’équipe de LiveMentor de permettre aux entrepreneurs de s’exprimer.

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Emmanuelle Simonet

Emmanuelle est graphiste/ webdesigner. Elle a créé, il y a quelques années, l'agence web Celluloïd. Aujourd'hui, afin d'être en accord avec ses convictions, elle souhaite mettre ses compétences au service des autres, et notamment des personnes en difficulté. Elle a donc lancé une formation de création de site internet sur un mode alternatif.