Pour le sixième épisode du podcast La Méthode LiveMentor, je reçois Jérôme Dumont, le co-fondateur de l’agence de développement mobile One More Thing Studio. Jérôme est un as de la productivité puisqu’il a co-écrit le livre La 25e heure avec Guillaume Declair et Bao Dinh, ou comment recueillir les méthodes de travail les plus efficaces de 300 grands entrepreneurs français et étrangers.
Ensemble, on a parlé de productivité et d’efficacité au travail : en un mot, les actions à mettre en place pour bien travailler. La bonne nouvelle, c’est qu’on ne naît pas productif, on le devient. Tout le monde peut s’améliorer dans ce domaine ! La productivité, c’est une somme de petites améliorations. Et le meilleur moyen de devenir productif, c’est d’apprendre à devenir paresseux ! À chaque fois que l’on fait une tâche rébarbative, il faut se demander comment ne plus la faire ou passer moins de temps dessus.
Jérôme a donné de nombreux conseils pour combattre la procrastination, mieux gérer les mails et rester concentré dans ses missions. Pour lui, le multitasking est un mythe. Réaliser plusieurs tâches en même temps altère la concentration, mieux vaut faire une tâche et la finir avant de passer à la suivante.
Dans cet épisode sur l’action, vous allez voir concrètement :
comment définir ses objectifs pro et perso pour s’organiser au quotidien
les règles d’or contre la procrastination
comment rester concentré et éviter les distractions au boulot
comment mieux considérer le temps imparti entre travail et repos
Vous allez découvrir plein de concepts autour de la productivité grâce à Jérôme : la technique de l’échelle, la loi de Karlsson, la loi de Pareto appliquée à l’effort, la métaphore de la jarre, etc… Je me suis régalée à découvrir toutes ses astuces, j’espère qu’elles vous serviront dans votre action au quotidien !
Et vous, comment ça se passe en terme d’action et de productivité ? Impression d’être « sous l’eau » ou de gérer au mieux votre temps ? Un thème en lien avec le Carnet du temps créé par LiveMentor ! N’hésitez pas à nous partager vos astuces pour inspirer d’autres entrepreneurs !
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Dans l’épisode 7, on parlera de valeur : comment bien définir la valeur de son travail, de ses services et ses produits, pour ne pas tomber dans la sous-estimation ! Une super conversation avec Fanny Auger, entrepreneure à School of Life Paris et intrapreneure chez Nature & Découvertes !
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Josiane – Bonjour à tous, bienvenue sur La Méthode LiveMentor, le podcast qui donne des conseils concrets d’entrepreneurs ! Dans les épisodes précédents, on a vu comment bien définir son projet et en avoir une vision claire, comment s’entourer, comment s’affirmer. Maintenant, il est temps de passer à l’action ! On va voir comment agir de manière efficace. Pour ça, je suis ravie d’accueillir un entrepreneur imbattable sur le sujet. Il a écrit un livre qui s’appelle La 25ème heure, qui donne plein d’astuces pour booster sa productivité. Bonjour Jérôme Dumont.
Jérôme Dumont – Bonjour, Josiane, ça va ?
Josiane – Ça va très bien, merci. Tu es le co-fondateur de l’agence de développement mobile One More Thing Studio et tu as écrit La 25ème heureavec Guillaume Declair et Bao Dinh. Pour parler de productivité, comme d’habitude, on va partir du livre La Méthode LiveMentor pour s’appuyer sur un cas pratique. C’est l’histoire de Mehdi. Il est graphiste freelance et son problème, c’est qu’il a l’impression de ne pas du tout être productif. Il refait dix fois son site Internet, il passe du temps sur les réseaux sociaux. Il est jeune papa dont il a l’impression de courir partout, mais sans vraiment avancer. Tout est urgent sur sa To Do list et dès qu’il ralentit le rythme, évidemment, il culpabilise. Alors Jérôme, je me tourne vers toi, qui a interrogé 300 grands entrepreneurs français et étrangers sur leurs méthodes de travail. Je voulais savoir ce que tu penses du cas de Mehdi et ce que tu lui conseilles.
Jérôme Dumont – C’est un sacré cas, j’imagine que c’est le cas de beaucoup, beaucoup de gens. Le fait d’être papa rajoute encore plus de charge mentale. Bien évidemment, je ne vais pas pouvoir donner un ou deux conseils qui vont radicalement changer tout. Je pense que les conseils sont des choses dont on va parlé tout à l’heure. En fait, ce qui est important, je pense, c’est plus une histoire d’état d’esprit. Et comprendre que mieux gérer son temps, devenir plus productif, c’est vraiment une approche état d’esprit. Ce n’est pas : je lis une méthode dans un bouquin et maintenant, je change tout et tout devient génial. C’est un truc qu’il faut s’approprier et faire des petits pas pour progresser au fur et à mesure. Et même trouver son style : il y a des gens qui vont dire qu’il faut avoir un super bureau très organisé, et pour certaines personnes, avoir un bureau un peu bordélique, ça leur permet d’être un peu plus créatifs et de plus s’y retrouver.
Je pense qu’il faut lire pas mal de choses, mais aussi tester et voir ce qui marche ou ce qui ne marche pas pour chacun. Comme la méthode Pomodoro de bosser pendant une certaine durée, puis de faire une pause, puis rebosser, ça marche bien pour certaines personnes. D’autres préfèrent bosser pendant deux heures de suite. Donc, c’est un peu ça. Ce que je dirais à Mehdi c’est qu’il a une énorme marge de progression, qu’il va pouvoir faire beaucoup, beaucoup mieux. Ça, c’est chouette ! S’il était déjà au top et qu’il était encore sous l’eau alors qu’il était très productif, c’est plus compliqué. Là, il y a une bonne marge de progression.
Et après, c’est sur les trois grands piliers dont on parle dans le bouquin.Je pense qu’on en parlera pendant le podcast. La première partie c’est : comment bien s’organiser, comment bien gérer son temps, définir ses priorités, quelle est sa to do list, comment organiser son agenda. Puis, une fois qu’on sait ce qu’on doit faire, je pense que c’est le plus important, c’est comment est-ce qu’on va se concentrer : comment est-ce que je suis focus et que je bosse bien, comment je me coupe des notifications, comment je fais pour ne pas être dérangé. Et une fois que je sais quoi faire et je suis concentré, je le fais bien, en troisième étape, mais seulement en troisième étape : comment j’accélère, comment je fais tout pour exécuter mes tâches plus rapidement. Il ne faut pas se jeter sur la partie accélération, qui va être plein de petits outils qui permettent d’aller plus vite, des raccourcis. C’est un peu plus sympa et plus geek, mais les plus gros leviers, surtout quand on démarre, c’est surtout bien s’organiser et bien se concentrer.
Josiane – Super. Justement, on va voir ces étapes une à une, l’une après l’autre. Alors tu parles de la première chose à faire, qui est de s’organiser. Et vous dites d’ailleurs dans le livre que la productivité, ce n’est pas d’effectuer beaucoup de choses, c’est de choisir ses batailles en fonction des objectifs que l’on s’est fixés. Mais alors, ma question, c’est : encore faut-il connaître ses objectifs, comment on fait, quelles questions il faut se poser pour bien connaître ses objectifs.
Jérôme Dumont – C’est une super question et je pense que c’est une des choses qui a l’air la plus simple, puisqu’un objectif, c’est de définir où on veut aller, mais qui est en fait très compliqué. Moi, je bosse beaucoup là-dessus, tout le temps, que ce soit sur ma vie perso, sur mon couple, sur ma boîte, sur le bouquin … Et la méthode que j’utilise, qui en tout cas, pour moi, marche bien, c’est vraiment d’identifier des temporalités. Donc le court terme, le moyen terme, le long terme, et se dire, à chaque fois : « c’est quoi ma vision ? C’est quoi mon objectif à court, moyen et long terme, dans ce contexte là ? »
Donc, Mehdi, graphiste freelance, il peut se dire : « tiens, ma vision moyen terme, c’est qu’à la fin de l’année, mes clients sont assez contents pour que je n’ai pas besoin de faire de commercial, et le business rentre tout seul ». Ça peut être un objectif à succès de fin d’année. Objectif à 3 mois : « j’ai signé mon premier client, ou mes cinq premiers clients ». Et objectifs à 3 ans : « j’ai rejoint un groupe de freelances et on bosse tous ensemble et c’est plus sympa, j’ai appris d’autres choses. » Ça, c’est très personnel. Il faut définir où on veut aller et ce dont on a vraiment envie. Il faut prendre le temps pour soi. Ce n’est pas un truc qu’on fait en parallèle du boulot en lisant ses mails. Moi, pour faire ça, des fois, je pars en week end dans ma maison en Normandie, tout seul, et je réfléchis vraiment. Je prends des post-it et je me dis Mais qu’est ce que je veux vraiment faire, qu’est-ce qui m’intéresse ? Chacun met son court, son moyen terme et son long terme où il veut. Peut-être que pour Mehdi, son moyen terme, c’est dans deux mois et son long terme, dans un an. Peut être que c’est différent. Donc, il n’y a pas de bonne pratique. Trois mois, six mois pour le court terme, ça marche bien. Un an pour le moyen terme aussi.
Et une fois qu’on a fait ça, c’est essayer de découper ça en ce que j’appelle des axes : les différentes grandes catégories. Par exemple, dans le métier de Mehdi, tu vas avoir un axe sur le commercial, il faut ramener du business pour atteindre cet objectif. Il faut devenir meilleur, travailler ses qualités de designer et faire de la veille. Il y a peut être une partie satisfaction client. Sur chacun de ces axes, il faut définir aussi des objectifs. Si à la fin de l’année, mon objectif, c’est « je bosse tellement bien que les clients viennent tous seuls et je n’ai plus besoin de les démarcher », d’un point de vue business, qu’est ce que ça veut dire ? Ça veut dire que j’ai atteint tant de chiffre d’affaires, ou j’ai signé tant de clients. D’un point de vue satisfaction client, ça veut dire qu’au moins huit clients sur dix me recommandent à d’autres gens. Et tu te définis des objectifs. Une fois que tu les as en tête et que tu les connais, tu te dis : « pour arriver là à la fin d’année, c’est tout ça que je dois faire ». D’un coup, tout devient beaucoup plus simple. Tu sais quand tu bosses sur un truc, est-ce que c’est aligné ou pas avec un de ces objectifs ? Si c’est pas le cas, il ne faut pas bosser dessus. Si c’est le cas, tu peux le prioriser.
Josiane – Ça veut dire qu’une fois qu’on a établi les grands objectifs de vie, on peut les décortiquer en sous-objectifs qui se décortiquent eux-mêmes en sous-tâches et qui doivent évidemment être mesurables dans le temps et chiffrés, c’est ça ?
Jérôme Dumont – Moi, c’est comme ça que je fais. Je n’ai pas inventé la méthode. Tu vas retrouver dans des boîtes des méthodes qu’on appelle les OQR, Objectifs Qui Résultent, qui ressemble un peu à ça. Mais dans tous les cas, il faut partir d’un truc personnel et se dire : « Dans mon cadre de moi, Mehdi, freelance graphiste, qu’est ce que je veux atteindre d’ici la fin de l’année ? Qu’est ce qui me semble bien ? » Il faut un truc un peu motivant. Et une fois que tu l’as fait, tu définis les grands sujets à l’intérieur qui font que tu vas y arriver. Une fois que tu l’as défini, tu commences à donner un cadre, à savoir ce qui va avoir de l’importance.
Josiane – Et à l’intérieur même d’une journée, pour définir ses objectifs dans la journée, il y a la règle des trois tâches et la métaphore de la jarre, que vous développez dans le livre. Est-ce que tu peux nous expliquer ce que c’est ?
Jérôme Dumont – Oui : la métaphore de la jarre, elle est assez chouette. C’est, de mémoire, Stephen Covey, qui a écrit Seven Habits of Highly Effective People,
Josiane – Oui, Les sept habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent.
Jérôme Dumont – Oui, voilà, j’avais la version anglaise chez moi. Et en gros, ce qu’il explique avec la métaphore, c’est : imaginez que vous avez une grande jarre. Dedans, il faut y mettre une certaine quantité de grosses pierres, une quantité de petits cailloux et une quantité de sable. Dans quel ordre vous les mettez pour que tout rentre ? En effet, si on met le sable d’abord, puis les moyens cailloux et les grosses pierres après, les dernières grosses pierres ne vont pas rentrer. Alors que si on commence par mettre les grosses pierres, et puis ensuite les petits cailloux et à la fin, le sable, le sable va se mettre entre les interstices et tout va rentrer dans la jarre.
En fait, ce qui est intéressant, c’est que cette jarre, c’est une métaphore du temps. Dans cet exemple, ça peut être notre journée de 24 heures ou une journée de 8 heures de travail. Et toutes les pierres, cailloux et sable représentent les taches sur lesquelles on doit travailler. Leur taille est fonction de leur importance, pas forcément de la durée. Une fois qu’on a compris ça, on sait que si on veut pouvoir faire toutes les choses importantes dans la journée, il faut commencer par les grosses tâches. Donc on va prendre les trois grosses pierres, les « three big rocks », qu’on va faire en premier. Et ensuite on va bosser sur les cailloux, les petites tâches et en dernier, on travaille sur des choses plus insignifiantes, mais qu’il faut quand même faire.
C’est ça qu’il faut faire. Ce qui est vraiment bien, et je pense que c’est le conseil qu’on a le plus reçu de tous les entrepreneurs qu’on a rencontrés, c’est le soir avant de se coucher ou le matin en début de journée, identifier quels sont les trois « big rocks » en question, les trois tâches les plus importantes qu’il faut que j’accomplisse aujourd’hui. Si je les accomplis, j’aurais passé une bonne journée, ça aurait été génial, même si c’est fait en 4 heures ou en 6 heures. Et le reste n’est que du bonus.
Une fois que je les ai identifiés, ça ne veut pas dire que je dois faire les trois tout de suite. Ça veut dire que je dois les planifier tout de suite. Idéalement, en faire une maintenant, une que je planifie de 11h à midi (si je sais qu’elle ne prend qu’une heure) et une que je ferai de 17h à 18h ou de 16h à 18h si elle prend deux heures. J’essaie d’estimer la durée. Et les tâches importantes, ça ne veut pas forcément dire des trucs qui prennent trois heures. Ça peut être : il faut que je remette mon site à jour, si jamais je suis Mehdi. Si mon site n’existe pas, il faut que je le mette en ligne, sinon les clients ne vont pas me trouver. Je crée mon compte sur Malte pour que les gens me connaissent et il faut que j’envoie ma facture à mon client. Il y en a un, ça prend cinq minutes : c’est la facture. Mais c’est important, si je ne fais pas aujourd’hui, c’est vraiment pas bon. Donc je place ça dans ma journée. On va faire ce qu’on appelle du time boxing : je prends mon agenda et je rentre ces créneaux, comme ça je sais que je ne fais pas autre chose, on ne me cale pas un rendez vous au milieu. Mon agenda est protégé.
Josiane – Et surtout on estime le temps qu’on prend à faire ça, c’est important.
Jérôme Dumont – C’est très important. Et au début, on se plante un peu, et c’est pas grave. Mais c’est un bon exercice puisque plus on le fait, plus on devient bon. Et puis, dans le cadre d’un freelance qui vend du « jour-homme », quand on vend à des clients, on vend quatre jours pour faire tant de maquelles, ou cinq jours ou dix jours. Et si on se plante, c’est pour notre pomme. Donc, plus on devient bon en estimation, mieux c’est. Donc, c’est un bon exercice aussi. Et en général, dans les fameuses tâches importantes, ce n’est pas toujours les plus plaisante et c’est souvent celle qu’on procrastine.
D’ailleurs, il y a Mark Twain qui disait dans un bouquin : « eat the frog« , « mange le crapaud ». Ce qu’il dit, c’est que si tu manges un crapaud vivant le matin en début de journée, tout le reste de ta journée aura l’air super cool et beaucoup plus facile. Je le croit sur parole, je n’ai pas poussé le test jusque là, mais en gros, ça veut dire aussi dans tes tâches, s’il y en a une qui est un peu déplaisante (il faut donner un feedback négatif à quelqu’un de ton équipe, licencier quelqu’un ou tu dois faire une pres’ qui te soule parce que ça va te prendre une heure de rédiger un document Word), tu le fais au début de journée, tu le place dès le matin en premier truc, tu fais ça de 9h à 10h et tu le fais. Une fois que tu l’as fait, tu va passer à autre chose. Alors que si tu sais que c’est déplaisant et que tu te le cales en fin de journée, demain tu vas y penser toute la journée, tu vas l’appréhendez et, potentiellement, tu vas trouver des excuses pour caler un truc en même temps, procrastiner et le faire après.
Josiane – Alors, en parlant de procrastination, quelle est la règle d’or pour combattre la procrastination ?
Jérôme Dumont – Ah ça, c’est pas facile ! On tombe un peu tous dedans, il faut l’admettre, et accepter qu’on en fait, et que c’est OK. Il ne faut juste pas que ce soit un problème qui nous empêche de réaliser nos projets et d’atteindre nos objectifs. Je pense qu’une des choses les plus importantes, c’est d’essayer de comprendre pourquoi on procrastine. Il y a plusieurs raisons, mais de ce qu’on a compris en interrogeant les gens sur les vraies raisons profondes, on se retrouve en général, avec trois raisons principales. Il y a trois raisons principales qui font qu’on procrastine une tâche. La première, c’est quand une tâche est trop complexe, qu’elle est trop grosse et que, du coup, on n’en voit pas trop le bout, on ne sait pas trop par quel biais l’attaquer, et elle n’est pas assez concrète. On ne sait pas comment l’aborder. Moi, je m’étais dit il y a quelques années : « J’aimerais créer un festival. » C’est un truc un peu énorme, comment j’attaque ce truc-là ? Et du coup, dans ma tête, c’est resté pendant plusieurs années : « il faudrait que je le fasse », mais jamais ça n’est arrivé.
Jérôme Dumont – Et du coup, pour parer ça, puisque chaque problème a une solution, il y a la technique de l’échelle. Ça consiste à comprendre qu’un gros problème, ça n’existe pas, c’est juste une somme de petits problèmes. Et quand tu as une grosse tache complexe, idéalement, c’est de faire la technique de l’échelle et donc de créer des barreaux, qui seront des étapes intermédiaires pour arriver jusqu’en haut de ton projet. Dans le cadre de mon festival, du coup, finalement, je l’ai lancé il y a quatre ans (c’est la quatrième édition cette année, en Normandie) : on a découpé ça, tu fais ton échelle en disant « déjà, il faut que je trouve un nom. Ensuite, il faudrait que je trouve des gens avec qui en parler. Après, il faut qu’on définisse un thème, puis trouver un lieu, puis des artistes. » Tu fais tes barreaux. Et puis, quand tu les as, écrits, découpée en sous-tâches, ça devient moins compliqué. Prendre le premier barreau et s’en occuper, tu arrives à le caler dans ton emploi du temps, à l’estimer et à le faire. Quand ça reste un énorme truc, une nébuleuse, comme le bouquin : écrire La 25ème heure. Par quoi je commence ? Comment ça marche ? En fait, on a fait notre échelle. On a dit : « d’abord il faut qu’on se fasse un weekend tous les trois, qu’on définisse le sommaire, qu’on répartisse les chapitres, qu’on contre les startuppers, qu’on trouve un éditeur ou qu’on fasse nous mêmes, faut qu’on fasse la cover, qu’on le mette sur Amazon … ». En fait tu listes tout ça et chaque tâche, indépendamment les unes des autres, est faisable ou acceptable. Donc ça, c’est pour le premier point. On procrastine parce que c’est trop complexe. On n’en voit pas le bout.
Jérôme Dumont – La deuxième raison qui est potentiellement la plus connue, la plus classique, c’est quand c’est désagréable, une tâche qui est un peu chiante. Je parlais de « eat the frog ». On procrastine ou volontairement, ou, des fois, un peu inconsciemment, en trouvant des excuses. Il faut juste admettre qu’on ne veut pas le faire parce que c’est agréable, mais souvent il faut le faire.
Et pour ça, il y a deux techniques qui marchent bien. Il y a celle de la deadline : se mettre une deadline forte, ça te force à vraiment faire le truc. Ou te te la mets tout seul, ou tu utilises justement les gens pour qui tu travailles. Je prends l’exemple de Mehdi à chaque fois : il doit faire un logo qui lui plaît pas, parce qu’il aime pas faire des logos, mais c’est une de ses prestations et ça lui permet d’avoir un business. Ce n’est pas sa spécialité ou il n’est pas passionné par ça. Et bien envoyer un mail au client pour dire « je vous envoie la première version de demain à 16h », là tu as une deadline forte. Parce que tu es engagé auprès de ton client et du coup, tu vas pas procrastiner. Tu vas te forcer à le faire, ça ne sera pas moins déplaisant, mais au moins, tu l’as fait. Alors que ne pas le dire et lui dire : « oui, je vous tiens au courant quand j’ai pu avancer, là je brainstorme… » mais en fait il ne se passe rien. Le truc sort jamais. La deadline forte, ça marche très, très bien. Il ne faut pas hésiter à avoir des trucs presque irréalistes, ça force à se lancer.
Jérôme Dumont – Et la deuxième, c’est ce qu’on appelle la technique de la première seconde : souvent, l’appréhension qu’on a quelque chose ne fait que croître jusqu’au moment où on le démarre. Exempte de tâche désagréable : Mehdi doit appeler son client pour lui dire qu’il n’a pas pu faire le logo ou qu’il n’a pas envie de bosser avec lui. Ou tu dois donner un feedback négatif à quelqu’un de ta boîte. Tu vas l’appréhender, en effet, parce que c’est pas sympa à faire. Tu te dis : « je l’appellerai à 16h » Et puis à 16h tu vas t’arranger pour trouver autre chose. Plus tu attends et plus tu vas te rapprocher de cette deadline que tu ne vas faire que décaler, plus ton stress va augmenter. Tu va être stressé en permanence jusqu’à ce que tu le fasses. Alors que le moment où tu as ton téléphone, tu fais le numéro téléphone et tu appuie sur « appeler », tu arrives au sommet de ton stress et là, ça chute instantanément. Après la première seconde, tout chute et tu fais ton truc et c’est réglé.
Et ça, tu le vois même quand tu dois envoyer un mail, pareil, que tu n’as pas envie de faire. Tu te lance : « Bonjour, … » et une fois que tu es dedans, tu es dedans. Donc ça, c’est un truc qui marche plutôt bien.
Et le dernier qui vient quand même assez souvent, quand on procrastine une tache, c’est un peu proche du DRM, mais c’est quand c’est ennuyant. On a tous des taches chiantes. Mehdi, à un moment, il va faire sa compta d’auto entrepreneur et il aime pas faire ça. Mais il faut le faire, à la fin du mois.
Josiane – Ne m’en parle pas !
Jérôme Dumont – Ahah ! Pourtant il y a des gens dont c’est le métier, donc c’est que ça passionne certains. Moi, je n’étais pas fan non plus. Moi, quand je faisais du sales, il fallait prendre son téléphone et appeler les clients, appeler des prospects. J’ai jamais aimé faire de la chasse, mais il y a des boîtes où je bossais où je devais le faire. Et du coup, vu qu’il faut le faire, tu trouves un moyen de rendre le truc le plus fun possible. Donc, si tu es plusieurs dans la boite, on faisait des « power hour », on achetait des pizzas, on mettait de la musique et on appelait tous en même temps et il y avait un concours : celui qui avait signé le plus de contrats sur les 2 heures, il gagnait un truc. Tu te mets des wins à la fin, des choses qui font que ça va être moins désagréable.
Josiane – Plus motivant, aussi !
Jérôme Dumont – Encore plus quand tu es à plusieurs. Mais même quand j’étais tout seul sur certains projets, je me disais : « Allez, le moment où j’ai fini de faire cette réponse à un appel d’offres » ( parce que je détestais faire ça, c’était désagréable) je m’offre un vinyle ». Parce qu’il y avait une pile de vinyles en bas de mes anciens records. Et je me disais : « quand j’ai fini ça, je me fais un cadeau. » Je descendais, je mettais 20 balles et je me ramenais un album de Led Zep un peu inconnu, enregistré dans des garages. Et j’étais trop content. En gros, la procrastination, c’est OK. Ce n’est pas un problème. Il faut juste, quand ça devient gênant, comprendre les raisons. Si c’est complexe, technique de découpe, si c’est désagréable, on se met une deadline. Et puis on comprend qu’à la première seconde où on va le faire, ça sera beaucoup moins désagréable, ça sera passé, et ça sera derrière nous. Et si c’est ennuyant, on essaie de le rendre fun.
Josiane – Super clair. Alors si on passe maintenant à la concentration, vous dites qu’on a l’illusion d’être productif parce qu’on traite plein de demandes dans la journée, on fait souvent plusieurs choses en même temps, on a des longues plages horaires de travail. Alors qu’en fait, on est plus productif quand on fait une tâche à la fois, l’une après l’autre. Pourquoi ?
Jérôme Dumont – C’est une grande vérité que personne ne veut admettre. En fait, le piège, c’est qu’on a vraiment l’impression d’être plus productif en faisant plein de trucs en même temps. Je te parle, j’écoute une réu et je gère mes mails en même temps, comme ça c’est cool. En fait, c’est pas du tout le cas. Et les gens les plus productifs que je connais, les startuppers qui ont le plus de succès sont des gens qui sont laser focus. Ils sont focus sur un seul truc à la fois, à fond, et c’est vraiment impressionnant. Tu sais qu’un employé dans les bureaux, avec les open spacee, toutes les 11 minutes, il est interrompu. Et une fois que tu es interrompu, le temps de revenir où tu en était, la concentration est un peu compliquée. C’est ce qu’on appelle le « contexte switching » : tu bosses sur un truc, tu switches sur un autre truc et après tu reviens. En fait, c’est la loi de Karlsson, un chercheur suédois qui a théorisé, dans les années 50, qu’une tâche que tu fais en continu, elles demandera beaucoup moins de temps et d’énergie que si tu le fais en plusieurs fois. En gros, c’est beaucoup rapide de faire A en entier, puis B, que faire A puis B, A puis B, puis A puis B, etc.
Et je pense que si tu prends une feuille devant toi, avec un crayon de couleur rouge et vert et que tu dois faire 10 carrés rouges et 10 ronds verts, si tu prends le rouge, tu fais un carré, tu le poses, tu prends le vert, tu fais un rond, tu poses, tu fais un carré …. Tu vas mettre beaucoup plus de temps que si tu fais tous tes carrés rouges, puis tout tes ronds verts. C’est le premier exemple qui me venait, avec le graphisme, aha ! En gros, c’est ça le problème.
Josiane – Et comment on fait alors pour éviter les distractions et les interruptions le plus possible ? Comment on peut faire ?
Jérôme Dumont – Comme tous les conseils que je donnais avant, je pense que le premier truc, c’est d’admettre qu’on est plus fort en mono tasking qu’en multitasking. On est plus fort en faisant un seul truc à fond. Tant qu’on n’y croit, on fera d’autres choses en même temps. Quand on est fort et qu’on y arrive … Les gens très productifs que je vois quand je suis en réunion, ils ont pas leur téléphone, ils le laissent à leur poste ou c’est éteint. Et pendant la réunion, ils sont à 100%, ils mettent toute leur énergie dedans et les sujets avancent super vite. Si c’est en formation, ils ont une écoute de malade. Et quand c’est des situations de travail, moi, quand je me dis qu’il faut que je passe une heure sur un truc, je bosse sur la vision strat’ du produit, j’ai mon casque antibruit, j’écoute pas mes notifs, etc. Et du coup, je fais vraiment que ça.
Pour faire que ça, les bonnes astuces, il y en a plein : si on bosse dans un open space avec du monde, ce que je trouve vraiment bien, c’est le casque anti-bruit. Parce que ça envoie un signal aux gens pour leur dire « ne me dérangez pas, je suis occupé ». Et si on vient te taper sur l’épaule, c’est le moment de dire : « Quand je mets le casque, ça veut dire qu’il ne faut pas me déranger. Je suis dans une période de focus ». Et de toute façon je l’enlève au bout d’une heure et après, on peut discuter.
Jérôme Dumont – Pour moi, ça marche bien, même si tu mets rien dans le casque. L’anti-bruit de Bose il est vraiment bien, et tu peux écouter des sons, des musiques de film, tu peux mettre des bruits d’ambiance de café aussi (très efficace en télétravail). C’est des sons qui font que tu as un bruit d’ambiance et ce n’est pas le calme absolu. Mais encore une fois, ça dépend des gens. Si Mehdi préfère écouter du hard rock ou s’il préfère du silence absolu, peut être que pour lui, ça marche mieux. Pour moi, les morceaux (que je connais pas par cœur, sinon, je vais penser à les chanter et je vais me déconcentrer), les musiques de film, ça marche bien.
Sur le multitasking, ce qui arrive souvent, c’est que tu es interrompu pour faire autre chose. Ou ça vient de toi, l’interruption, et tu diras « tiens, je vais aller faire ce truc là parce que c’est plus sympa, j’en ai marre de ce truc-là », et c’est là où il faut se freiner soi même en se disant « bah non, faut que j’aille jusqu’au bout et que je le finisse. Et quand j’aurai fini, je passe après. » En gros, se dire : une tâche entamée doit toujours être terminée. Ça marche plutôt bien. Sinon, du coup, il faut se protéger des interruptions. Donc le casque, comme je le disais. Les autres interruptions qu’on a, c’est les notifications sur son ordinateur ou son téléphone. La bonne pratique, c’est que, pendant que je suis en focus, je me mets en mode avion ou en silencieux et je coupe toutes les notifs. La meilleure pratique, c’est de couper les notifs de son téléphone, toujours. Ça, ça a l’air d’être un grand pas.
Josiane – Non, c’est facile à faire.
Jérôme Dumont – Oui, mais ça fait peur, en fait. Ça fait assez peur aux gens de dire : « je vais couper les notifications de mail », parce qu’intuitivement tu te dis : « je ne vais plus être au courant’. Mais ça n’arrive pas que t’oublies tes mail et qu’un jour, tu les relances et tu as 7000 mails non lus ! Ça n’arrive pas, parce que forcément tu vas y aller, tu vas voir ce qui se passe. J’ai coupé les notifs Facebook il y a quelques années. J’ai désinstallé l’application Facebook de mon téléphone. Il faut se protéger. Couper les notifications, c’est vraiment efficace. Les seules notifications téléphone que j’aies : si on m’appelle, le téléphone sonne, et Whatsapp, pour l’instant. Et je pourrais couper WhatsApp. Mais pour l’instant je le garde parce que je regarde les conversations pour préparer le festival, donc c’est pratique d’être actif ! Mais sinon, mes mails, je n’en ai aucune. Parce que dans tous les cas, je vais y aller quelques fois dans la journée, donc je les verrai. Et Facebook, c’est pareil : au moment où je vais sur Facebook, je vois 11 notifications, je suis content, plutôt que d’être prévenu à chaque truc, « ah, quelqu’un a liké la photo », etc. En fait, c’est le pire.
Jérôme Dumont – Je pense que s’il y a un truc à retenir de toutes la discussion aujourd’hui, c’est : couper les notifs du téléphone. C’est un vrai, énorme gain. Et puis après, on peut aussi se protéger des tentations. Si tu veux arrêter de manger du Nutella, c’est plus simple de ne pas en acheter, ne pas en avoir chez toi, que de l’avoir un placard ! Et tout comme Facebook, au début, était sur mon écran d’accueil du téléphone : du coup, dès que je l’allumais, je cliquais dessus, dès que je m’ennuie une demi-seconde, puisque Facebook a réussi à associer l’ennui à leur appli, je lançais et je regardais. C’est plus Instagram, maintenant, ou Snapchat. Je parle pour ma génération.
Du coup, je l’ai déplacé 3 écrans à droite, dans un sous dossier, donc j’y allais moins souvent. Et puis après, mon corps a retenu par coeur le double swipe et clique, et je l’ouvre assez vite. Donc maintenant, j’ai désinstallé l’application, et si je veux aller sur Facebook, faut que je lance Chrome, que je tape Facebook et que je regarde. Du coup, j’ai moins le réflexe d’y aller. Et pourtant, je perds aucune l’information.
Josiane – Surtout, c’est plus long à faire, donc tu as moins envie de le faire.
Jérôme Dumont – C’est ça, exactement.
Josiane – Et d’ailleurs, pour les mails : c’est un gros sujet quand même, la gestion des mail. Parce qu’on est bombardés d’email tous les jours, ça prend du temps, de l’énergie. Parfois, ça nous distrait, comme tu viens de le dire. Qu’est ce qu’il faut faire ?
Jérôme Dumont – Alors, les mails, en effet. Quand on fait des interventions dans des grands groupes pour la 25ème heure, on pose toujours la question : « qui reçoit plus de 50 mails, plus de 100 mails par jour…? » Il y a toujours beaucoup de gens qui lèvent la main. Et c’est rigolo parce que tu sens un peu une fierté chez les gens : Moi, j’en reçois, je reçois 150 mail par jour. »
Quand j’avais ma boîte, j’en recevais aussi beaucoup. Parce que tu as des trucs interne, mais tu as aussi des sollicitations externes, c’est compliqué. Et puis, surtout dans les débuts – moi je m’occupais de la partie commerciale – tu as envie d’être actif, de montrer que tu réponds vite à tes prospects, à tes clients, que tu es là pour eux. C’est un peu compliqué.
Je pense qu’il y a deux choses qui ont vraiment changé ma vie dans la gestion des mails et donc de mon temps et des interruptions. La première, c’est de passer dans ce qu’on appelle l' »inbox 0″. Il y a des gens qui connaissent cette méthode. Pour ceux qui la connaissent pas, je vais essayer d’expliquer rapidement. En gros, le « zéro » de « inbox 0 », c’est pas « zéro mail dans la boîte », comme la plupart des gens le pensent. C’est plus le zéro de charge mentale, de nuage noir. Comment est-ce qu’on l’atteint ? En ayant une boîte mail ultra propre. En général, tu as deux types de gens : ceux qui ont 4 523 mails dans leur boite mail, et ceux qui ont 0 ou 10, moins de 10. C’est rare que ce soit entre les deux. Le mieux, c’est d’être dans la deuxième catégorie qui est d’avoir très, très peu de mails dans sa boîte mail.
Jérôme Dumont – En gros, il faut comprendre que les mails que t’as dans ta boîte mail, c’est une to do. En fait, c’est une tâche à réaliser. Mais c’est une to do dans laquelle n’importe qui sur Terre peut écrire. Une fois que les hens ont ton mail, ils peuvent écrire dedans. C’est forcément une tâche à faire parce qu’au pire, la tâche, c’est de le supprimer. Mais c’est quand même une action à faire. Il faut avoir ça en tête. Donc, la bonne approche : partons du fait qu’on ait zéro mail. On a tout sélectionner, tout supprimé ou tout archivé. Avec gmail, on peut tout archiver, donc on ne le voit plus dans sa boîte de réception, mais on peut y accéder plus tard si on veut le chercher. Un peu comme si on avait un sac à dos, on met tout dedans, ça ne nous gêne plus la vue mais si on doit s’arrêter et fouiller dedans, on peut. L’idée, c’est de tout archiver, de ne plus rien avoir. Et ensuite, on reçoit des mails, au fur et à mesure, et on ne va les regarder qu’une, deux ou trois fois dans la journée. Et quand on les regarde, on verra 10/15 mails. On prend le premier, on le regarde : s’il n’y a pas besoin d’action, c’était juste une note informative, une newsletter ou j’en sais rien, on l’archive et il dégage.
Et on ne doit jamais refermer un mail sans faire d’action. Si jamais c’est un mail qui demande une réponse, qui me prend moins de deux minutes, je réponds à la volée. « Est-ce que tu viendras à ma fête d’anniversaire à telle date ? » Je réponds « avec plaisir », je valide et je fais « envoyer et archiver ». Je l’envoie et ça archive, je ne le vois plus. Et du coup, les seuls mails qui vont me rester, c’est ceux qui ont demandé que je fasse quelque chose, mais que je ne vais pas faire maintenant. « Est ce que tu peux m’aider à faire cette propal’ commerciale ? J’ai besoin de toi. Ça prendra deux heures, c’est mercredi. » Je ne veux pas oublier de le faire, mais je ne vais pas le faire maintenant. Et du coup, c’est le seul mail que je vais garder là dedans. Ou, si je veux pousser plus loin, je peux aller dans mon agenda et bloquer un créneau de deux heures mercredi pour la propal, j’archive le mail et je reviendrai dessus à ce moment là. Comme ça, la boite est propre.
Jérôme Dumont – Mais l’idée du coup, c’est qu’en permanence, j’épure cette boîte, pour qu’il n’y ait plus rien ou quasiment plus rien dedans. Pour que les seuls mails qui restent, c’est vraiment les tâches que je dois faire à un moment ou un autre. Et en fait, ça clean vraiment l’esprit. C’est beaucoup plus clair de s’y retrouver, versus « celui-là il est non lu, celui-là j’ai mis une étoile, donc il faut que je traite ceux avec étoiles ». Et tu joues entre les « lus » / « non lus » en permanence. C’est vite l’enfer. C’est un peu bizarre comme méthode au début, l’inbox zéro. Mais tous les gens, sans exception, tous les gens qui ne connaissaient pas et se sont lancés en disant : »bon, allez, ça vaut le coup, je vais essayer ». Le premier pas est un peu dur, dire « je sélectionne, et j’archive tout ». La technique, c’est peut-être de dire : « je vais prendre tous les mails qui ont plus de 30 jours et je les archive tous, et les 30 derniers jours je vais les trier un par un et je vais faire de l’inbox 0. »
Une fois qu’on a tout ça, ça fait vraiment du bien. Après, une fois qu’on a fait ça, on devient un peu addict, on a tout le temps envie de regarder ses mails pour les nettoyer. On se dit : « ah mince, je ne veux pas avoir de mail, j’en ai un nouveau, vite, je l’enlève ! ». C’est un peu le piège. La bonne approche, c’est d’essayer de faire de l’inbox deux fois par semaine.
Josiane – Oui, j’allais te le demander : il faut faire ça tous les jours, une fois par semaine, une fois par mois ? C’est quoi la fréquence à adopter ?
Jérôme Dumont – En fait, à chaque fois que tu ouvres ta boîte mail, tu traite les nouveaux e-mails non lus avec une méthode inbox 0. Donc : j’ouvre, j’ai lu, j’archive, ou je réponds et j’archive, ou je le gère plus tard. Et le mercredi soir, j’ai un créneau pour cleaner la boîte mail, et le vendredi soir aussi. Comme ça, je sais que c’est vraiment propre et que le lundi, j’aurai que des nouveaux mails. Une méthode qui marche bien quand justement, tu as ces fameux mail, qui te demandent du taf et tu ne vas pas faire maintenant, tu vas le faire plus tard, mais ne faut pas le supprimer parce que tu veux le garder sous l’oeil, c’est la méthode du boomerang. Le matin, sur Gmail, j’ai un truc qui s’appelle Snooze, comme sur ton réveil le matin, il sonne et tu appuie pour qu’il revienne dans 20 min : tu peux dire « renvoie-moi ce mail mercredi à 17h ». Comme ça ta boîte mail devient propre, il n’y a plus rien, mais mercredi, à 17 heures, quand tu auras besoin de bosser dessus, il reviendra, ce n’est pas perdu. Voilà un peu la méthode de l’inbox zéro. Si j’ouvre un mail, je le traite et j’en fais quelque choses. Et deux fois dans la semaine, ça peut être une seule fois, chacun fait comme il veut (moi, je le fais jeudi, mercredi et vendredi), la boîte est propre. Donc, en gros, le vendredi soir, il n’y a plus aucun mail dans ma boîte mail, et le mercredi soir pareil. Il y a vraiment zéro mail dans la boite mail.
Jérôme Dumont – La deuxième méthode, qui est vraiment importante et très cool, c’est lié aux interruptions dont on parlait tout à l’heure. C’est d’essayer de regarder ses mails que trois fois par jour. Et même pour Mehdi, qui est freelance, qui veut répondre à ses clients, en fait trois fois par jour ça veut dire, dans une journée qui fait 8h : tu regardes la première fois, puis au bout de 4h , puis au bout de 8h. Il y a 4h d’espace. Quelqu’un qui t’envoie un mail, il peut attendre 4h en général. Et puis si on veut regarder ses mails quatre fois par jour parce qu’on veut être super réactif, on peut les regarder quatre fois par jour. En gros, c’est considérer ses mails comme des chaussettes, comme des chaussettes sales, encore mieux. Tu ne vas pas tous les soirs les enlever, les laver à la main et les ranger. Tu vas toutes les mettre dans un bac à la fin de la semaine, tu passes un gros coup de machine et tu laves tout. Tes mails, c’est un peu pareil. Si tu te laisses interrompre à chaque fois qu’il y en a un nouveau pour y répondre alors que tu es en train de bosser, que tu étais focus sur un truc. « Ah, un mail ! » J’arrête, je réponds au mail, je reviens sur mon truc, j’en étais où ? etc. Tu ne t’en sors pas. Alors que si tu es focus pendant 2-3 heures et après tu dis : « maintenant je fais une session mail », tu as tes 15 mails, tu fais ton inbox zéro sur les 15 mail et boum, tu passes à autre chose. En gros, tu lances ta machine de lavage de chaussettes quand tu fais ton inbox 0 sur tes mail.
Josiane – C’est super ! Je confirme que je fais ça 3 fois par jour. J’arrête de les regarder en permanence toute la journée, toutes les 5 minutes. Et ça me permet en fait de ne pas avoir de police de pollution visuelle. C’est bête, mais voir tous les mails qui arrivent et qu’il faut traiter, ça stresse. Je trouve que c’est une très bonne astuce de se réserver des créneaux qui font qu’on évite d’être interrompu en permanence.
Jérôme Dumont – Pour faire une parenthèse dans ce que tu dis : ça stresse d’avoir les mails, mais si on est vraiment honnête avec soi même, ce qui est difficile, mais si on y arrive vraiment, on se rend compte qu’avoir une notif, c’est un peu cool ! Comme sur Facebook. Parce qu’il y a un peu une surprise : qu’est ce qu’il y a derrière ? Ça envoie un petit shot de dopamine. Et en fait, quand tu es en train de bosser sur un truc chiant, parce qu’on bosse tous sur des trucs chiants, où on essaye d’en faire le moins possible, et que tu vois une notif mail, c’est une porte. « Arrête de faire ton truc chiant, il y a peut être un truc cool derrière ! » Et donc forcément, tu fais semblant de dire « mince ! » mais en fait tu y vas et tu es content. Tu vas regarder ton mail et tu seras déçu ou pas déçu, mais ça va t’interrompre. Et c’est pour ça que souvent, on garde ses notifs, parce que c’est un peu cette porte d’échappatoire. En fait, quand on a admis ça, il n’y a pas de problème, on kill les notifs, on les regarde plus du tout et on se dit : « je regarderai mes mail juste après la pause dej ou juste avant ».
Josiane – Tu as tout à fait raison, c’est vrai qu’on ne le sait pas forcément, mais le fait de recevoir un mail, ça provoque de la dopamine dans le cerveau C’est hallucinant quand on y pense !
Josiane – Ce que je trouve intéressant dans ce que tu dis, c’est qu’on voit en filigrane que tu nous encourages à nous poser la question du temps et surtout de sa valeur. Il y a quand même la question derrière tout ça de combien vaut une heure de travail ? Pour s’éviter – je pense par exemple aux réunions à rallonge – pour s’éviter de se lancer dans des tâches longues qui, finalement, ne sont pas importantes, et aussi pour accepter de faire des pauses. Ce que vous dites dans le livre, c’est que pour être productif, il faut aussi faire des pauses. C’est important.
Jérôme Dumont – Complètement. Enfin, en même temps, vu qu’on l’a mis dans le livre c’est logique, aha ! Je pense que c’est toujours intéressant de savoir valoriser son temps. Dans le cas de Mehdi, c’est assez simple parce qu’il est freelance donc il vend ssouvent du « jour-homme ». Freelance graphiste, s’il est pas mal, il va être à 400 euros/jour. Il fait des journées de 8 heures, ça fait 50 euros. En gros, son heure vaut 50 euros. Quand tu as ça en tête, passer du temps avec un prospect que tu vas convertir, ça vaut vraiment le coup. Passer 6h à relire son site, essayer de trouver les petits bugs, est-ce que c’est comme ça que tu tires le meilleur parti de ton temps ? Moi, je tombais là-dedans. Il y a un moment où tu es sur une pres’ et tu veux la peaufiner, recentrer l’image, mettre une autre image au fond … Et en fait, ça ne vaut pas vraiment le coup. C’est l’approche Pareto, peu d’effort pour beaucoup d’impact. Donc, je pense que c’est bien d’avoir ça en tête. Ça marche pour les freelances mais ça marche aussi dans les boîtes.
Jérôme Dumont – Là, je travaille chez Back Market, on fait beaucoup d’efforts pour améliorer les réunions. Une réunion, ça coûte cher : c’est le temps passé fois le nombre de personnes qui sont là. Une réunion qui dure une heure, si tu mets 6 personnes, tu as 6h de temps qui sont passées dans cette réunion, et selon les salaires des gens, leurs postes, etc. ça a une certaine valeur. Si la réu’ devait démarrer à 15h, « attends, j’ai pas ma prise pour brancher mon écran », « j’en profite pour prendre un café », « tout le monde est là ? », « non il manque Machin » … Tu démarre à 15h10, tu as perdu 10 minutes. 10 minutes fois 6 personnes, donc tu as perdu une heure. Et à l’échelle d’une boîte, quand tu as beaucoup de réu’, parce que souvent, les boîtes font beaucoup de réu, c’est beaucoup de temps perdu. C’est toujours très intéressant de se rappeler combien vaut le temps. J’ai rencontré un entrepreneur qui ne se déplaçait qu’en Uber. Il disait : « pour aller là bas, si j’y vais en Uber, ça prend 20 minutes. On va dire que ça coûte 20 euros. Mon temps vaut beaucoup plus que 20€ pour ces 20 min. Et puis, en plus, je vais pouvoir bosser dedans. Donc ça vaut plus le coup que je sois dans le Uber et que je bosse plutôt que d’être dans les transports en commun ou à vélo, où je ne peux pas bosser, et avoir perdu 20 minutes. » En fait, le raisonnement se tient.
Josiane – Uber ou un autre taxi, hein.
Jérôme Dumont – Oui, oui, ce n’était pas une promo, aha ! Dans le cadre de cet entrepreneur, c’était Uber, c’est pour ça.
Josiane – Alors tu évoquais justement Pareto. Je voudrais qu’on parle de cette règle de 20% d’efforts pour 80% d’impact, dont vous parlez dans le livre. Comment on peut appliquer la loi de Pareto à la productivité et quel bénéfice on en tire ?
Jérôme Dumont – Alors, je pense que c’est un truc à appliquer en permanence. Pour ceux qui ne connaissent pas l’autre Pareto, c’est en gros que 20% des causes produisent 80% des conséquences. 20% de tes clients peuvent rapporter 80% de ton chiffre d’affaires. En général, c’est ça. 20% des causes produisent 80% des problèmes de production dans une usine. Et une fois qu’on a compris ça, on va essayer de réfléchir à son temps. Quelles sont les choses qui vont avoir un maximum d’impact par rapport aux autres ?
Jérôme Dumont – En gros, Mehdi a plusieurs clients. Il va se rendre compte que, potentiellement (après, ça peut varier de 70-30%), mais le message est là : il va voir qu’il y a 20% de ses clients qui rapportent jusqu’à 80% de son chiffre d’affaires. Parce que j’ai des clients qui sont réguliers. Il connait bien, il va itérer sur les mêmes maquettes, etc. Et il va y avoir plein de clients qui vont être un peu chiants, qui vont passer du temps à négocier, ils ne vont jamais être contents du travail. Donc là où il a vendu 3 jours, il va devoir en passer 6 pour que ça finisse. Et quand tu as ça en tête, tu dégages un peu toute cette perte de temps, en disant : je vais juste faire les 20% d’efforts qui vont me rapporter 80% de l’impact. Je dois refaire une belle présentation pour mon rendez-vous avec mon prospect, et bien je vais me dire : c’est quoi les 20% d’efforts qui vont avoir 80% de l’impact ? Je vais faire les meilleurs slides, qui vont être les plus adaptés, et ne vais pas passer les 80% du temps à peaufiner, à faire la jolie typo, trouver les bons backgrounds, etc. C’est moins important. En fait, dans tout ce qu’on fait, il faut essayer de faire un MVP, un « minimum viable product ». J’ai une idée d’un produit génial, et bien je vais essayer de faire les 20% qui vont convaincre 80% des gens. Et une fois que c’est fait, on avancera, mais je n’y aurais pas passé 100% de mon temps. J’aurai juste pris les 20%. Reid Hoffman, le fondateur de LinkedIn, te dit : si tu n’as pas honte de ton produit, c’est que tu l’as sorti trop tard !
C’est un peu cette approche des 20% qui vont faire 80% du boulot. Et c’est pas grave si tu n’es pas à 100%. C’est juste que si tu veux faire 100%, tu vas devoir passer les 100%. Une fois que tu as compris qu’en faisant que 20%, tu en feras 80, tu peux dire que tu as passé le reste du temps à faire d’autres trucs qui auront beaucoup d’impact. C’est un peu l’approche qu’on voit sur les posters dans les startup, avec le « Done is Better Than Perfect ».
Josiane – Je pensais à ça, oui ! Plutôt que de passer du temps à essayer d’avoir quelque chose de parfait, mieux vaut passer le temps strictement nécessaire pour avoir quelque chose de fait, d’efficace et de bien. Et rien que ça, ça suffit déjà largement.
Jérôme Dumont – C’est ça, exactement ! Mieux vaut avoir terminé quelque chose que de rechercher la perfection inutile, par exemple.
Josiane – Alors, évidemment, la question derrière cette 25ème heure, le titre de votre livre, c’est-à-dire qu’avec toutes les astuces de productivité, on gagne une heure de plus. La question, c’est de savoir qu’est-ce qu’on en fait de cette 25ème heure ? C’est quoi les possibilités qui s’offrent à nous ?
Jérôme Dumont – Je pense que c’est une question que chacun doit se poser. Moi, je n’aurai pas la réponse pour tout le monde. Mais en général, tu as deux approches ça. C’est ou te dire j’ai gagné une heure dans ma journée, donc réinvesti dans du travail en plus et donc je vais en profiter pour produire plus, pour faire plus de démarchages clients, etc. C’est très bien, je vais grossir mon chiffre d’affaires, je vais leur faire une meilleure impression auprès de mes boss, je vais atteindre nos objectifs. Donc ça, c’est la première approche.
Jérôme Dumont – Et puis la deuxième, c’est de se dire : vu j’atteins autant de résultats, mais en y passant moins de temps, parce que maintenant, je ne bosse que 7h par jour pour faire la même chose, je peux utiliser cette heure pour faire d’autres trucs. Des trucs perso, pour le plaisir, des projets perso, passer du temps avec ma famille, m’occuper de mes gamins. Tu vois, dans le cas de Mehdi, et bien : le matin, c’est moi qui les emmène à l’école, ça fait plaisir. Je bosse en 7h et après, je vais les chercher, j’ai le temps de faire le goûter, etc. Alors qu’avant, je ne pouvais pas. Ou à l’inverse, se dire : la même durée qu’avant, mais maintenant, je produis beaucoup plus. Du coup, il n’y a pas de bonne solution. Chacun fait comme il veut. Ce qui est sûr, c’est qu’il n’y a pas beaucoup de gens qui, sur leur lit de mort, ont dit : « Ah, j’aurais dû travailler plus ! Si j’avais eu plus de temps, j’aurais pu travailler plus et finir ces trucs-là. » Ça n’arrive pas. Les gens se disent : « j’aurais dû passer plus de temps avec ma famille, j’aurais dû bosser sur mes projets perso. » Moi, j’utilise, pas une heure mais plusieurs à force – j’avais comme objectif de repasser aux 4/5e, comme j’ai fait un moment, une journée dédiée en plus – ça me laisse le temps de m’occuper du bouquin, la 25ème heure, je me suis mis à la guitare et au piano. Là en plus pendant le confinement, c’était pratique, parce que je perds même pas le temps des allers-retours, en télétravail. Il y a le festival. C’est que des projets que je fais à côté, que j’ai le temps de gérer tout en optimisant les choses. Ça ne veut pas dire qu’il faut tout optimiser dans son temps : je passe des soirées avec ma copine à regarder Netflix ! Et c’est OK, il n’y a pas de problème, il ne faut pas culpabiliser de passer du temps, parce que ça fait du bien aussi de ne rien faire, de se reposer la tête, de se reposer l’esprit.
Josiane – Ce qui est intéressant, c’est vraiment de rappeler que la productivité, c’est pas un objectif. C’est juste un moyen pour se dégager du temps et que ce temps, ça peut être juste du temps de bonheur, du temps d’inspiration, du temps pour apprendre à faire de la guitare, apprendre à peindre, apprendre une langue, et pas du temps de productivité. Je me demandais : quelles sont les erreurs que tu as l’habitude de voir chez des entrepreneurs en terme de productivité ?
Jérôme Dumont – Je pense que la plus classique, et c’est parce que j’ai été en plein dedans et que je me retrouve un peu dedans, c’est ce dont on a parlé un peu plus tôt : c’est le multitasking. C’est cette sensation de dire : vu que je fais plein de trucs en même temps, je suis plus productif. Et moi, je le vois encore, quand tu es en réu, que tu fais une pres’ : tu as des gens qui répondent à leurs mails en même temps, en disant « cool, comme ça, je fais mes mails, j’ai gagné du temps ». Mais en fait, il n’a pas été 100% focus pendant la réu. Donc là où il aurait pu intervenir et proposer de bonnes choses, il ne l’a pas fait. Le mail, vu qu’il est rédigé en écoutant un peu la pres’, il y a des fautes d’orthographe… Je pense que c’est un peu le piège, comme quand tu es avec tes amis et tu regardes en même temps ton fil Instagram. Et du coup tu discutes et les gens sentent que tu n’es pas 100% là, et c’est pas forcément agréable. Je pense que tout ça c’est un peu lié.
Jérôme Dumont – Je pense que c’est le truc que j’ai le plus souvent vu : les gens qui font plein de choses en même temps. Et encore pire, c’est ceux qui pensent qu’en faisant plein de choses en même temps, ils sont plus efficaces. Ils font plein de trucs, ils ont l’impression d’être un couteau suisse super utile. En fait, les meilleurs, c’est vraiment ceux qui sont sur un truc et qui font que ça. Dans les plus extrêmes, il y en a qui partent, moi, je suis parti en Normandie. Dans la maison, j’ai coupé Internet, pas de téléphone et j’avais un weekend complet. C’est ce qu’on a fait quand on a écrit le bouquin : on est partis tous les trois, on était en Normandie, on a coupé Internet, coupé les téléphones, on avait nos 3 ordis. Et on a rédigé le bouquin à six mains en bossant pendant deux heures, puis après, on faisait une pause d’une demi heure, on se racontait des trucs, on fumait une clope, on regardait la télé … Et bim, on repartait dessus et on ne s’interrompait pas. Si on avait une question pour les autres, on la notait à côté et au moment où on avait notre break, on se posait toutes les questions. Et c’était cool. Avec le fait de ne pas interrompre les autres, chacun avançait plus vite. Donc voilà, je pense que le multitasking est un gros piège. Fausse bonne idée !
Josiane – Mythe, même, c’est un mythe en fait !
Jérôme Dumont – C’est exactement ça.
Josiane – Alors, je commence les dernières petites questions de la fin. Est-ce que tu peux me raconter un échec dans ton parcours d’entrepreneur et nous dire ce qu’il a apporté ?
Jérôme Dumont – Alors, à quel niveau? Quel genre d’échecs ?
Josiane – Celui que tu veux. Tu choisis celui que tu veux.
Jérôme Dumont – OK, je vais te dire le premier qui me vient à l’esprit. Au bout de 3-4 ans, dans le studio One More Thing Studio, moi j’étais passionné du sujet des entreprises libérées. Donc, en gros, avoir une organisation à plat, sans chef, sans hiérarchie, assez horizontale. J’ai lu pas mal de bouquins dessus, rencontré des gens qui faisaient ça. Et j’ai transformé progressivement ma boîte comme ça, ce qui était très cool. Et en fait … comment expliquer ça ? Il faut du contexte, je vais essayer de le faire simple. J’ai vu toutes les choses de mon point de vue en me disant : c’est évident que tout le monde sera content d’être là-dedans. En gros, tu donnes vachement de liberté à tout le monde, puisqu’il n’y a plus de chef. Ce n’est plus moi le chef, tout le monde peut prendre des décisions, donc il y a des process pour ça. Les gens sont libres, ils prennent les congés quand ils veulent, ce n’est plus moi qui les valide, ils choisissent leurs horaires de travail, télétravail, etc.
Jérôme Dumont – Je me suis dit : en donnant plus de liberté aux gens, forcément, ils vont aimer. C’est forcément cool parce que je le vois avec mon filtre de perception. Et dans la manière de voir les choses, vu que la liberté, c’est une de mes valeures principales, je me dis : je leur donne un max de liberté, il y a de la responsabilité qui va avec, évidemment, mais forcément, tout le monde en veut. Donc j’ai fait ça, et les gens étaient assez contents. Mais au bout de 3 mois, il y a un des développeurs qui s’est barré, que j’aimais beaucoup. En fait, c’est juste que le cadre ne lui allait pas du tout parce que lui, il avait besoin de cadres. Il ne voulait pas décider de ses congés lui même, il voulait que quelqu’un les lui valide. Il ne voulait pas être capable de refuser un projet parce que c’était trop responsabilité. En fait, je comprends. C’est juste que j’ai pris une décision pour tout le monde en oubliant de me mettre à leur place et de voir les choses à travers leurs yeux ou d’en parler directement.
Donc, ce n’est pas du tout lié la productivité, en fait, j’ai juste pris un truc qui m’a poppé dans l’esprit. Mais je sais que maintenant, quand je discute avec les gens, j’essaie toujours de me mettre à leur place et de comprendre leur point de vue avant de vouloir aller trop loin. Surtout, ne pas oublier que tout le monde ne pense pas que moi. Je pense que c’était un peu ça, mon erreur.
Josiane – C’est super d’être toujours dans l’empathie. Et puis de rectifier le tir au besoin.
Jérôme Dumont – Exactement, mais c’est pas toujours évident, surtout quand tu es très enthousiaste. Tu oublies peu de le faire, quoi.
Josiane – Oui, et tu croyais bien faire, en plus, c’est ça le truc !
Jérôme Dumont – Oui, c’est ça clair.
Josiane – Deuxième question : quel est l’entrepreneur qui t’inspire le plus et pourquoi ?
Jérôme Dumont – Je ne vais pas te sortir les Elon Musk, les Steve Jobs, etc. parce que je ne les connais pas vraiment, ni personnellement, et je ne suis pas fait les biographies. J’ai vu les films de Steve Jobs qui sont intéressants. Je te dirais bien, pour suivre ce que je te disais, Frédéric Laloux, qui est l’auteur d’un bouquin qui s’appelle Reinventing Organizations, qui m’a vachement inspiré. Lui parle beaucoup d’entreprises qu’il appelle « opales », une des couleurs sur les modes d’organisation : ces entreprises libérées, sans hiérarchie, qui marchent de manière horizontale, avec des process de décision basés sur la confiance. Et en fait, le festival est organisé comme ça. Il n’y a pas de hiérarchie, il n’y a pas de chef de festival. N’importe quel festivalier qui vient fait partie de l’organisation et peut s’occuper de l’accueil, décider de la programmation des artistes, s’occuper de commander la bière, etc. C’est un modèle auquel je crois et que j’ai fait dans ma boîte et que je dans le festival et que je trouve vraiment intéressant. Du coup, je me suis emballé, je ne sais même plus où j’en étais !
Jérôme Dumont – C’est ça. Et du coup, il explique des méthodes de prise de décision. Quand tu es en groupe, comment tu fais pour que les choses avancent, pas dans un consensus mou, il faut que tout le monde soit d’accord. Il apprend beaucoup de choses et je trouve le mec génial. J’ai vu beaucoup de vidéos. J’ai des amis qui l’ont rencontré. Oui, c’est quelqu’un qui m’inspire beaucoup, que je suis un peu moins ces temps ci, mais qui m’a vachement aidé. Pour lancer un modèle d’organisation comme ça qui marche, il faut des croyances fortes sur le fait que l’humain a un bon fond et que les gens sont intelligents. Or quand tu montes ta boîte, c’est plus facile puisque c’est toi qui choisis avec qui tu bosses. Mais si tu es persuadé que les gens ont un bon fond, qu’ils sont bienveillants et qu’ils sont intelligents, il faut les laisser prendre des décisions. Tu vas utiliser l’intelligence collective des gens plutôt que tout décider toi-même.
Et on sait que l’intelligence collective est plus forte que l’intelligence individuelle. En gros, je pense que c’est en lisant son bouquin et en regardant ses vidéos que j’ai dû prendre un niveau et progresser là-dessus. Et ça m’a redonné confiance. C’est ça qui m’a poussé à transformer ma boîte comme ça.
Josiane – Super, je le mettrai dans les notes liées au podcasts pour que tout le monde en bénéficie. Qu’est ce que tu te dis dans les moments difficiles puisque j’imagine qu’il y en a dans une vie d’entrepreneur ? Qu’est ce que tu te dis pour tenir, dans ces moments là ?
Jérôme Dumont – Il y en a beaucoup. Il y a vraiment des hauts et des bas et ce n’est pas toujours facile. Parfois, quoi qu’on se dise, c’est compliqué. Je sais qu’il y a un truc qui m’avait marqué, c’est quand je bossais en agence, j’étais beaucoup plus jeune et on faisait des charrettes. Tu as beaucoup de stress, il faut sortir ton site web, pour le client, pour Mercedes Machin, et tu finis à 22h, tu pars et on te dit : »ah, tu as pris ton aprèm ? » Tu vois cette ambiance … Je ne sais pas si ça existe encore beaucoup, mais il y a eu vraiment ça. Et moi, j’en avais des plaques d’eczéma, je stressais parce que je sortais pas les trucs à temps. Et je rentrais du taf, il était tard, on prend l’ascenseur avec mon directeur de clientèle. Et en fait, il m’a dit : « Mais on n’est pas des chirurgiens, on est pas en train de sauver des vies, on fait des sites web, c’est OK ». J’ai relativisés vachement ! Quand tu es dans ta bulle, dans ton univers, tout ce que tu fais, tu le mets sur une échelle d’importance, avec le stress associé. Mais il faut faire un petit pas en arrière et relativiser, en comparant avec le reste. J’ai plusieurs amis qui sont infirmiers ou médecins et quand ils me racontent leurs journées, je me dis qu’en fait, si moi, je suis un peu à la bourre sur mes trucs, c’est pas si grave. Si je livre la maquette le lendemain, OK, le client est pas content, c’est pas génial. Ça ne veut pas dire qu’il faut s’en foutre et faire n’importe quoi. Mais bon, c’est pas si grave. Donc moi, je me dis souvent ça, je relativise en me disant : il y a des trucs beaucoup plus importants. Mon conseil s’applique moins quand on est chirurgien, parce que eux sont peut-être en train de géré des vies tout le temps, aha ! Mais je pense qu’il y a toujours des exemples plus compliqués. Donc il y a ça que j’utilise.
Jérôme Dumont – Et puis après, il y a un motto que j’ai souvent : « Il vaut mieux prendre le mauvais chemin que rester coincé à l’intersection ». Souvent, quand tu es bloqué, ça arrive tout le temps quand tu es entrepreneur, tu dois faire prendre des décisions tout le temps. L’entrepreneur, c’est celui qui, sur toutes les décisions qu’il a prises, il y a eu plus de bonnes que de mauvaises. Parce qu’on va en prendre, des mauvaises. Personnes ne fait un sans faute, vraiment personne. Tout le monde prend des mauvaises décisions à un moment, et c’est pas grave. Ceux qui se plantent vraiment, c’est ceux qui osent pas les prendre. Et quand tu restes bloqué à l’intersection, que tu as peur, que tu réfléchis… le temps continue d’avancer et toi, tu ne fais rien. C’est comme ça que tu vas couler ta boîte ou que tu vas pas avancer. Alors que se dire : « bon bah écoute, j’y vais » (en général, on dit : « Think deep, decide fast »), tu réfléchi quand même bien avant, et après tu te lances. Et au pire, tu t’es trompé, et bien tu fais marche arrière. Tu rollback, tu reviens et tu repars. Et c’est pas grave, ça permet d’avancer. Quand tu as cet état d’esprit en permanence, ça te permet d’avancer en permanence et du coup, tu stresses moins. Je pense que le stress c’est quand tu restes bloqué dans une situation et que tu as peur de prendre une mauvaise décision.Qu’est-ce que je dois faire? Est-ce qu’il faut que je déménage ? Tu vois, même dans le perso : est-ce que je dois m’installer à la campagne et vivre là bas, ou rester dans la ville ? Mais si je me plante ?C’est pas grave, j’y vais ! Et au pire, je redéménagerai. C’est chiant, c’est un déménagement, mais ça se fait. Plutôt que de rester stocké à pas savoir, être dans le doute, se demander toute ma vie si je n’aurais pas dû …. Il y a des décisions qui sont c’est plus compliquées, c’est sûr : avoir un enfant, c’est plus compliqué, de faire marche arrière, aha !
Mais bon, il faut essayer de voir dans quoi ça s’applique. En tout cas pour le boulot en général, c’est mieux de prendre la bonne décision, mais il vaut mieux prendre la mauvaise décision plutôt que de rester bloqué et ne pas choisir.
Josiane – Super conclusion, merci beaucoup ! Merci beaucoup, Jérôme, pour tous tes conseils et tes astuces de productivité. J’ai une dernière question : où est-ce qu’on peut diriger les gens qui veulent en savoir plus sur toi, qui veulent te suivre ?
Jérôme Dumont – Je suis de moins en moins connecté. Je n’ai pas Instagram. Même Twitter, je n’y vais plus, je ne tweete plus grand-chose. Le seul où je vais de temps en temps, c’est LinkedIn, je ne sais pas trop pourquoi, mais tout le monde a ce truc-là. Donc si on m’écrit sur le LinkedIn, à Jérôme Dumont, je réponds à tous les messages. Pas de problème.
Josiane – D’accord ! Merci beaucoup. Je conseille fortement la 25ème heure et bien sûr, le livre La Méthode LiveMentor, écrit par Alexandre Dana. J’espère que l’épisode vous a plu. N’hésitez pas à nous donner des commentaires, peut-être d’autres astuces pour être efficace et productif. Et le prochain épisode sera dédié à la valeur. Comment définir sa valeur, ses tarifs et ses prix ? On en reparle très vite. Salut Jérôme, à bientôt !
Jérôme Dumont – Salut, Josiane, merci ! Bye !
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Journaliste indépendante, auteure chez Flammarion et autoentrepreneure freelance, je suis allée à la rencontre d'entrepreneurs inspirants pour réaliser le podcast La Méthode LiveMentor
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