#9 Geoffrey Bruyère : Le marketing – Podcast La Méthode LiveMentor

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Josiane

Illustration de #9 Geoffrey Bruyère : Le marketing – Podcast La Méthode LiveMentor

Pour le neuvième épisode du podcast La Méthode LiveMentor, je reçois Geoffrey Bruyère, le co-fondateur de BonneGueule, une marque de mode masculine et un média en ligne. BonneGueule, c’est aussi un beau parcours entrepreneurial qui est toujours cité en exemple chez LiveMentor ! C’est parce que Geoffrey est le meilleur exemple en matière de marketing généreux. 

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Transcription de l’épisode en fin d’article

Depuis 2007 et le lancement de BonneGueule sous forme de blog, les actions marketing de Geoffrey ne renient jamais ses valeurs. Avec son associé Benoît Wojtenka, ils ont écrit des centaines d’articles de fond pour aider les hommes à bien choisir leurs vêtements, toujours avec bienveillance et générosité. Leur blog est resté indépendant, sans lien d’affiliation ni d’article sponsorisé. Ils l’ont monétisé grâce aux e-books lancés en 2011, puis par leur marque de vêtements. Comme quoi on peut communiquer sans copier les autres et sans faire de marketing agressif comme un marchand de tapis ! 

L’idée n’est pas de « se vendre », mais de créer une relation de confiance avec son audience pour partager son savoir et ses connaissances. Le marketing n’est pas de la publicité commerciale, c’est d’abord une affaire de partage et de connexion

Ce que j’aime chez Geoffrey, c’est qu’il montre que le marketing n’est pas un gros mot. Il repose sur une démarche altruiste qui vise à apporter de la valeur à sa cible. Pendant l’épisode, je n’ai pas arrêté de penser aux propos de Seth Godin (une autre référence chez LiveMentor !) qui dit que le vrai marketing, celui qui marche, est toujours généreux. 

Dans cet épisode, vous allez voir concrètement :  

  • comment créer du marketing de qualité sans renier ses valeurs
  • en quoi la création de contenus a un effet de levier
  • comment construire des liens de proximité avec sa communauté et ses clients 

Geoffrey a dévoilé plein d’astuces de marketing généreux : faire des collaborations avec des marques que l’on admire, créer un groupe Slack avec ses meilleurs clients pour interagir et les inclure dans le processus de création, proposer du contenu captivant et gratuit pour la communauté, lancer un service de conseil gratuit en magasin sans obligation d’achat…  

Et vous, êtes-vous un as du marketing généreux ? N’hésitez pas à nous partager vos astuces pour aider d’autres entrepreneurs ! 

Si l’épisode vous a plu, n’oubliez pas de le partager sur les réseaux sociaux pour en faire profiter votre entourage !

Ressources de l’épisode :

Le site de BonneGueule et son média : https://www.bonnegueule.fr/
Le e-shop de la marque : https://shop.bonnegueule.fr/
La chaîne youtube et ses tutos mode : https://www.youtube.com/channel/UC0x84vfDB1QdjhAsMioxxbg
Le livre La Méthode LiveMentor : https://livre-livementor.com/

Episode suivant :

Dans l’épisode 10, on prolonge le marketing généreux avec la thématique de la communauté : comment créer une communauté fidèle et engagée ? Une super conversation avec Amandine Péchiodat, la cofondatrice de MyLittleParis ! 

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Transcription de l’épisode :

Josiane – Bonjour à tous, bienvenus sur La Méthode LiveMentor, le podcast qui donne des conseils concrets d’entrepreneurs ! Aujourd’hui, on va parler de marketing, mais pas n’importe lequel : on va parler de marketing généreux, celui qui est indispensable si vous avez un projet, celui qui va vous ouvrir des portes et surtout celui qui est agréable à faire, qui est positif. Et j’ai le meilleur exemple en la matière puisque je suis avec Geoffrey Bruyère, le co-fondateur de Bonne Gueule. Bonjour, Geoffrey ! 
Geoffrey Bruyère – Bonjour, merci de m’avoir ici ! Ça me met un petit peu la pression comme ouverture mais j’essaierai d’être à la hauteur !
Josiane – Aha ! Alors, encore plus de pression, justement pour dire que Bonne Gueule, pour ceux qui ne connaissent pas, c’est une marque de mode masculine et surtout, c’est un beau parcours entrepreneurial, qui est toujours cité en exemple chez LiveMentor. Et on va voir pourquoi ! Mais ne t’inquiète pas, ça va très bien se passer ! 
Pour parler de marketing, on va commencer comme d’habitude avec un cas pratique du livre La Méthode LiveMentor. Alors là, c’est l’histoire d’Isabelle, elle est naturopathe et microentrepreneurs. Elle a acheté un local pour exercer son activité, mais elle n’arrive pas à trouver assez de clients. Elle n’a pas de plan de communication, et elle ne veut pas faire de marketing, parce qu’elle pense que ce n’est pas aligné avec ses valeurs, donc elle ne sait pas quoi faire et elle est dans l’impasse. 
Alors, Geoffrey, avant de parler en détail de ton parcours et de celui de Bonne Gueule, je voulais savoir : quels conseils tu donnerais à Isabelle ? Parce qu’on entend souvent cette peur de se vendre, de confondre le marketing avec la vente et donc de ne pas savoir comment s’y prendre.
Geoffrey Bruyère – Oui, c’est vrai. Ce que je dirais à Isabelle, c’est que, comme toujours, il y a du bon et du mauvais marketing. Souvent, le marketing, vu de l’extérieur, on va l’associer à tout ce qui est mauvais dans le monde de l’entreprise. Mais il y a aussi des manières de bien le faire.
Par exemple, je ne sais pas, parfois on se balade dans la campagne, on tombe sur un beau petit resto, qui a mis des petites tables bien agencées, des petits stores tout mignons et quatre petites bougies à l’entrée le soir, pour que ça fasse encore plus mignon et que les gens de passage viennent dîner. BeEt bien, c’est du marketing. Donc on peut tout à fait faire du marketing agréable, utile. Parfois, il y aussi d’autres cas de marketing. Par exemple, il y a des entreprises dont les entrepreneurs écrivent des livres, des livres qui peuvent être super intéressants, super inspirants. Je sais qu’à LiveMentor aussi, Alexandre a écrit un livre. C’est également du marketing. L’important, ce n’est pas de chasser en bloc le marketing, c’est de trouver le marketing qui lui convient. 
Josiane – Tu veux dire qu’on peut faire du marketing de qualité sans renier ses valeurs, et justement, c’est ce que tu as fait avec Bonne Gueule. Alors si on commence au début de l’aventure, en 2007, Bonne Gueule, ça a démarré avec un blog qui a été créé par Benoît Wojtenka. Donc, vous êtes devenu associés. Quel était l’objectif de ce blog ?
Geoffrey Bruyère – Au départ, l’objectif, c’était juste d’avoir du plaisir à partager des infos sur la mode et d’en apprendre encore plus au contact de la communauté. Il n’y avait aucune visée entrepreneuriale, il n’y avait aucune visée financière. Le blog, de 2007 à 2011, il n’a pas gagné un euro. On s’est plutôt évertués à refuser les propositions de placement publicitaire des marques qui nous contactaient. Mais voilà, c’était juste une histoire d’échanger avec d’autres passionnés. 
Josiane – Justement, ce qui est très surprenant, c’est que la ligne éditoriale du site est toujours restée indépendante, c’est-à-dire que vous n’avez pas fait de lien d’affiliation, d’articles sponsorisés. Et la monétisation, elle est venue après, quand vous avez lancé la marque de vêtements et avec les livres que vous avez écrits. Et je trouve que, justement, c’est un bon exemple qui montre qu’on peut faire du marketing à sa sauce, comme on veut, sans forcément faire de la pub sur son blog comme tout le monde. Pourquoi est-ce que c’était important pour vous de faire de cette façon là ? 
Geoffrey Bruyère – Eh bien, nous-mêmes, avant d’être des passionnés de mode, on est aussi des clients de mode. Comme tout le monde, on avait envie de trouver des vêtements dans lesquels on se sente bien et confiant. Et puis, en 2007, c’était peut-être même encore plus difficile qu’aujourd’hui de trouver des belles marques qui font de la qualité. Les seuls prescripteurs de l’époque, c’étaient les magazines, qui étaient payés par les marques pour dire du bien d’elles. Donc, forcément, ce n’était pas évident de faire la différence entre le bon grain et l’ivraie. Et nous-mêmes, en tant que consommateurs, ça nous embêtait. Donc on s’est dit que nous, on allait apporter une réponse aux gens. Et puis, après avoir fait ces efforts et avoir gagné la confiance d’un début de communauté, on n’allait pas retomber dans les défauts du marché que nous-mêmes on critiquait. Donc, on s’est évertués à ne pas être juges et parties, à ne pas être réglés par les marques pour dire du bien d’elles. On n’a jamais pris un euro pour faire le moindre bien d’affiliation, le moindre article sponso, la moindre publicité display.
Par contre, on a trouvé d’autres manières de monétiser. Ça a été, au début, de créer un livre numérique, puis, petit à petit, de monter notre propre marque de vêtements. Pendant tout ce temps, le média est resté vraiment une entité gratuite, indépendante. Quand je dis indépendante, c’est que même au sein de l’équipe, vous avez un bureau où il y a des gens qui sont des rédacteurs, qui ont même un rédacteur-en-chef, qui est un journaliste, Christophe Joly, qui dirigeait une équipe de 70 personnes avant chez Metro News. Et de l’autre côté, des gens qui font du content marketing, et ce n’est pas les mêmes. Il y a vraiment une différence. 
Josiane – Et aujourd’hui, le site, il y a combien de visiteurs uniques par mois sur le site ? 
Geoffrey Bruyère – Alors ça va dépendre un petit peu des mois, parce que c’est une activité assez saisonnière. Ça va représenter 5 millions de visiteurs uniques, donc on est sur des mois qui vont entre 600 000 et 1 million de vues. 
Josiane – C’est hallucinant quand même ! C’est aussi la preuve que c’est une stratégie qui marche. Alors tu disais, justement, en 2011 que vous avez lancé un ebook. Et puis, au fur et à mesure, vous avez proposé des services de coaching, vous avez lancé une chaîne YouTube avec des tutos. Donc, toujours dans cette idée d’aider les hommes à mieux choisir leurs vêtements, à savoir comment les choisir. J’ai l’impression qu’il y a toujours la démarche, derrière tout ce que vous lancez, d’être pédagogues, d’être généreux dans les conseils, d’être ludiques. Est-ce que cela fait partie des valeurs fortes de Bonne Gueule ou est-ce qu’il y en a d’autres qui sont plus importantes ? Et comment vous faites pour aligner ces valeurs avec le marketing ? 
Geoffrey Bruyère – Effectivement, c’est une des cinq valeurs de la société. Cette notion de proximité et de bienveillance. Elle est extrêmement importante. Et pour nous, c’est clé, on ne voulait surtout pas être vus comme des espèces de Parisiens branchés qui ne veulent pas trop partager leurs secrets, qui viennent avec un ton très professoral, voire parfois de haut. Notre truc, c’était vraiment de se dire : on est des mecs de région qui débarquons, on n’est ni plus ni moins légitime qu’un autre à parler de notre passion et on ne veut pas que les gens sentent une différence ou un gap par rapport à nous. On veut qu’ils se sentent libres de nous poser des questions pour apprendre. Donc vraiment, on voulait maintenir cette pédagogie. 
Après, la pédagogie, c’est bien, mais si c’est la seule valeur de l’entreprise, ça donne peut être une société qui manque un peu de peps, qui est peut être un petit peu trop molle. Certes, on aime beaucoup le partage et la pédagogie, mais on est aussi des vrais passionnés. Donc on n’hésite pas à explorer de nouvelles matières, des nouveaux savoir-faire, à aller chercher, parfois très loin : au Japon, dans des petits ateliers reculés pour faire des vieilles teinture à l’indigo, comme il y a 200 ans sous l’ère Meiji. On a aussi ce côté maniaque. 
Et puis après, on a aussi une culture très, très start up, très tech. Il s’agit aussi d’avoir une entreprise qui roule, d’un point de vue économique. Ce n’est pas un gros mot, c’est plutôt un gage de pérennité et de maintien de la société, et puis des emplois qu’elle crée. Et donc, on essaie toujours de goupiller tout ça. Il ne faut pas qu’il y ait une valeur qui prenne le dessus, mais il faut qu’il y ait un couple de valeurs qui soit à chaque fois réellement respectées dans la pratique et qui se goupillent bien ensemble.
Josiane – Et d’ailleurs, comment tu es devenu un passionné de mode masculine ? 
Geoffrey Bruyère – C’est un petit peu étrange, notre manière de matérialiser notre passion. Benoît, mon associé, et moi, on est des mecs qui sommes vraiment des geeks. Notre truc, c’est de comprendre comment les choses fonctionnent. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si, après le bac, je me suis retrouvé à étudier la physique et la chimie. Et quand on a découvert la mode, on s’est rendu compte que c’était bien plus intéressant que ce qu’on pourrait penser. Ce n’est pas juste une histoire d’avoir un vêtement dans une forme et une couleur données, qui tombe d’une telle manière. Mais la mode, c’est aussi le vecteur de savoir-faire, d’histoire d’hommes, de femmes, de patrimoine, de liens avec des territoires. La mode, c’est la facette visible des évolutions sociologiques. Il y a plein de vêtements qui sont liés à tel ou tel moment fort de la société, à tel ou tel courant de droits sociaux, de politique. Par exemple la chemise de Mandela. Ou bien, à Tokyo il y a 3-4 ans, il y avait la révolution des parapluies. Il y a plein de symboles comme ça. Et puis la mode, quand on est un peu geek de science – on peut être geek de plein de domaines, mais moi, j’étais un petit peu geek de science – c’est aussi des matières, qui ont toutes des propriétés différentes. Il n’y a pas du tout les mêmes propriétés chimiques entre un coton, entre une laine, entre une matière type Gore-Tex… Vraiment, c’est une infinité de choses. Et quand on est curieux, la mode, on ne s’en lasse vraiment jamais. Et c’est comme ça que je suis tombé amoureux du sujet. 
Josiane – Mais tous les deux, vous vous êtes formés en autodidactes. Vous n’avez pas fait d’école de mode.
Geoffrey Bruyère – Au début, effectivement, c’était en autodidacte. Ben, il a des parents qui travaillent dans le monde de la recherche en agronomie. Moi, j’ai une maman qui était infirmière scolaire et un papa qui vendait des pièces mécaniques pour une usine d’outil… Et on a débarqué comme ça à Paris. C’est sûr qu’au début, il y avait quelques rétentions, quelques résistances. Parce que la mode, c’est un secteur assez fermé. Parfois, il est un peu snob aussi. Ce n’est pas qu’un faux procès qu’on lui fait. Mais au fur à mesure, de rencontrer des distributeurs, des créateurs, des façonniers, des tisseurs, des gens qui eux aussi avaient cette logique de partage, eh bien on s’est enrichis, on a gagné une certaine notoriété et, avec ça, une certaine légitimité pour parler du sujet.
Et puis, quand vous commencez à raconter, à représenter quelque chose au niveau de la notoriété et puis de l’économie, vous êtes invités à certains événements qui vous donnent encore plus de légitimité, comme par exemple le Festival de Hyères, le festival de mode et de photographie qui est le plus prestigieux dans le secteur. Ce n’est le plus grand, mais c’est un peu l’endroit où il faut être. Vous allez sur le gazon, pieds nus, discuter avec le chef de cabinet du ministre des Finances, et puis après le boss de la fédération du prêt à porter féminin, en toute détente ! Petit à petit, chaque pas en amène un autre, et puis, la légitimité, elle grandit. Et à un moment, plus personne se pose vraiment la question de est-ce que vous êtes légitime ou pas, de ce que vous savez ou pas. Le plus vite possible, il faut arrêter de se poser la question. Il faut juste se dire : Est-ce que je suis aligné avec mes valeurs ? Est-ce que j’apporte quelque chose à quelqu’un, que ce soit mes clients ou mes partenaires ? Et si la réponse est oui, si vous êtes utile et si vous avez le sentiment de l’être, let’s go ! 
« Est-ce que je suis légitime ou pas », tout ce qui est complexe de l’imposteur, moi, je l’ai pas mal, mais c’est plus un truc qui pourrit la vie qu’une vraie question. 
Josiane – Et surtout, en 2012, vous avez commencé votre première collab’ et après, vous en avez fait plein. Ça aussi, je pense que ça vous a aidé à gagner en notoriété. Comment ça s’est passé ? Qu’est-ce que ça vous a apporté toutes ces collab ?
Geoffrey Bruyère – Je dirais que les collab’ nous ont plus fait gagner de la légitimité que de la notoriété. Assez rapidement, on s’est mis à parler à une audience très large. En 2007, quand on s’est lancés, il devait y avoir 2 000, 3 000 visiteurs uniques par mois. En 2011, quand on a sorti d’ebook, il y en avait dans les 20 000. Et rapidement, on a grandi. Aujourd’hui, on est passé de 20.000 en 2011 à plusieurs centaines de milliers aujourd’hui.
Et du coup, quand on faisait des collab’ avec les marques, c’est vraiment ça qu’elles venaient chercher : elles venaient chercher l’accès à une audience. On se faisait un peu « les maître de cérémonie », on était les gens qui expliquaient les valeurs de la marque à l’audience qu’on avait rassemblés. Ce qu’on en tirait, nous, pour le coup, c’était la légitimité parce que c’étaient souvent de très, très belles marques. On a eu la chance de bosser avec plusieurs entreprises du Patrimoine Vivant, c’est un label français du ministère de l’Economie et des Finances qui vient valider des patrimoines immatériels, c’est un peu une sorte de l’Unesco des savoirs-faire.
Et donc, il y a vraiment cet échange. Nous, on y gagnait un produit à vendre et une association avec quelqu’un de très légitime et eux y gagnaient un accès à une audience et en même temps, un repositionnement de leur image. Parce que parfois, ces marques pouvaient être vues comme un petit peu anciennes. 
Josiane – C’est ce qui vous a donné envie, en 2014, de lancer votre propre ligne de vêtements ? Vous y aviez déjà pensé ?
Geoffrey Bruyère – On y pensait, mais on y pensait comme un rêve ! Ça nous paraissait être inaccessible. Je me souviens qu’en 2011, dans ma petite chambre, quand on écrivait le premier livre numérique, j’avais collé un adhésif sur un mur – ça permet de transformer un mur en tableaux véléda – et il y avait marqué toutes nos to do lists des trucs de la semaine : trouver le graphiste, payer l’abonnement de tels trucs … Et en dessous il y avait marqué : « Projet Dream ». Et on avait mis : « ouvrir une boutique », « lancer votre marque de vêtements ». En fait, c’était de la folie, de la science fiction, pour nous, tout ça ! Et plus on s’est mis à faire des choses qui s’en rapprochaient, plus le rêve devenait un peu moins fou, moins lointain. En tant que passionnés, forcément, le Graal, c’est de faire ses propres vêtements, comme on les aime. Alors en 2014, quand on a sorti notre tout premier jean, nos deux premiers t-shirt et notre toute première chemise en chambray, c’était vraiment un truc de fou. C’était une sorte d’accomplissement personnel. 
Josiane – Et ce qui est encore plus fou, c’est qu’ensuite, il y a eu des boutiques physiques. Et en 2016, vous avez mis en place un réseau de showrooms qui sont tenus entre autres par des lecteurs, par les plus proches lecteurs de Bonne Gueule, pour essayer les vêtements. Je trouve que c’est une super astuce de marketing généreux. Pourquoi ce choix ? Comment ça vous est venu, d’engager vos lecteurs ?
Geoffrey Bruyère – Juste en préambule, il faut savoir qu’on l’a fait pendant à peu près un an et demi, deux ans, mais qu’on ne le fait plus. Je vais y venir. A la base, on l’a fait parce qu’en tant que petite société fondée par deux jeunes, avec une adresse en plein quartier du Sentier à Paris, ce qui donne pas la meilleure image à une banque parce qu’il y a eu beaucoup d’affaires de détournements de fonds par des marques de mode du Sentier dans les années 90 et 2000, aha ! Quand vous êtes deux mecs avec un siège social immatriculé dans la même rue, quand bien même vous n’avez rien à voir avec ça, c’est pas ça qui fait que les gens vous prêtent. Et sans prêt, vous ne pouvez pas monter des boutiques.  Comme on ne pouvait pas monter de boutique mais qu’on voulait quand même avoir une proximité avec nos consommateurs, leur permettre d’essayer le vêtement, de le toucher, de se rendre compte de ce qu’il est, la solution, c’était de faire des espèces de showrooms chez l’habitant. La force qu’on avait, c’est qu’on a toujours eu une communauté de gens très impliqués et assez extraordinaires aussi sur la gentillesse, sur la bienveillance. Je ne le dirai jamais assez, mais on est bénis par notre communauté. On a tellement de chance, on est tellement honorés de les avoir ! On a passé un appel à candidature pour ceux qui voulaient organiser ces showrooms le temps d’un week end, une fois par mois, dans leur domicile. Et puis, il y en a six qui répondu présents dans six villes. Et ça fonctionnait bien. Il y avait à chaque fois du monde, tout le monde était super content. 
Et en même temps, on a arrêté de le faire parce qu’on a commencé à ouvrir des boutiques quand même, à Lyon et à Bordeaux. Et puis, au fur et à mesure, voilà, les gens qui organisaient les showrooms avaient des chemins de vie qui ne rendaient plus forcément possible de faire ça. Certains reprenaient la boîte familiale du père, un autre déménageait, un autre devenait papa, un autre faisait un tour du monde … Ça prenait quand même beaucoup de temps, à chaque fois, de renouveler, de reformer des gens. Et il y avait tous suivi aussi : leur envoyer les nouveautés, répondre, gérer le chiffre d’affaires … Il y a tout un aspect légal aussi, qui est complexe, parce qu’on ne peut pas faire ce qu’on veut. Si on board pas vraiment bien le légal, on peut vite tomber sous le coup du salariat déguisé ou des choses comme ça, ou de devoir payer des charges sociales et patronales là où on ne pensait pas parce qu’on voyait ça simplement, comme un distributeur. Il y a un encadrement aussi qui représente un coût juridique. Il faut le traiter, c’est important. Et en fait, toute cette lourdeur, toute cette complication, même quand ça a l’air simple vu de l’extérieur, ça nous paraissait un peu compliqué à maintenir.
Si ça avait été vraiment un énorme carton, on aurait sans doute poursuivi, mais ce n’était ni un échec ni un carton. C’était juste un projet qui fonctionnait et du coup, on préférait mettre plutôt de notre énergie pour essayer de trouver d’autres projets qui sont des vrais cartons, qui prennent moins de temps et qui sont un petit peu plus pérennes.
Josiane – En tout cas, c’est super d’avoir d’avoir testé ça ! 
Geoffrey Bruyère – Oui, c’est toujours important de tester. Et ce n’est pas parce qu’on a arrêté au bout d’un moment qu’on ne garde pas beaucoup de gratitude aussi pour les gens qui nous ont aidés à le faire. Mais ça fait partie des choix un peu difficiles des entrepreneurs, de couper certains projets parce qu’on ne peut pas tout faire à la fois. On est toujours débordés, tous les jours, donc il faut faire des choix. Et quand il y a des gens qui vous ont tendu la main et qui ont mis de l’effort, souvent, c’est frustrant de leur dire : je suis désolé, mais on s’arrête là. La stratégie de la société, c’est compliqué là-dessus. Heureusement, ce qui est cool, c’est qu’on n’a mis personne à la porte, parce qu’on a un peu laissé le projet mourir de sa belle mort à mesure qu’il y en avait un autre, et un autre, et un autre qui passait à autre chose. On arrêtait telle ou telle ville. À la fin, on n’en avait plus qu’une ou deux et à ce moment-là, c’était finalement assez simple de dire aux gens : « Tu vois, vous êtes les deux derniers Mohicans, c’est super, mais je pense qu’il faut qu’on tourne la page, et puis on serait peut-être heureux de faire des choses, un jour, avec vous ». 
Josiane – Tu parlais de ta communauté tout à l’heure, parce que que vous avez une communauté qui est super engagée, investie. Comment ça s’est passé pour créer ce lien ? Est-ce que c’est vraiment l’axe marketing super indispensable aujourd’hui ? Comment vous avez fait ?
Geoffrey Bruyère – Je pense déjà qu’il y a une forme de posture. Quand tu dis « ta communauté », moi, sur le coup, ça me fait bizarre. Parce que, quand moi je parle de la communauté, je ne dis pas « ma communauté ». J’aurai l’impression d’être une sorte de gourou ou de leader politique, ou un truc comme ça, si je dis « ma ». Je dis plutôt « la communauté de Bonne Gueule », parce qu’à la fin, la communauté, c’est sa propre communauté, à elle-même. C’est sûr qu’on est ceux qui donnent les impulsions, mais en même temps, on les donne avec eux, en les écoutant, on leur explique nos projets, on les fait y adhérer, on s’enrichit de leurs réponses. En vrai, on se voit plus comme une sorte de porte-parole que de chefs. 
Ça, c’est un truc important. C’est vraiment cette notion de « au service de ». Et pas de les voir juste comme un actif exploitable, ou truc comme ça. Toujours être super proches. L’objectif aussi, c’est d’avoir comme mindset de vouloir les faire progresser, avancer, et d’avancer avec eux. Il faut plus avoir la posture du coach qui accompagne, qui écoute, mais pas la posture du professeur qui pense détenir la vérité et qui l’impose à l’élève. Tu vois, c’est pas un rapport professoral, c’est un rapport sur un même plan. On ne se dit pas : « Nous, on sait, lui, il ne sait pas ». On se dit plutôt : « Certains savent et certains ne savent pas encore, mais on peut leur expliquer ce que nous, on a fait, ce qui a marché pour nous et peut être que ça marchera pour eux ». Il y a une démarche qui est un peu plus d’égal à égal.
Josiane – Oui, et de partage de connaissances aussi. « Voilà tout ce que je sais, voilà tout ce que je peux vous dire sur ce sujet. Je partage mes connaissances, mes conseils, mes anecdotes. » Et en fait, c’est comme ça aussi que vous créez une relation de conversation avec les gens qui suivent Bonne Gueule.
Geoffrey Bruyère – Oui, il y a ça, et puis, c’est aussi donner avant de recevoir. 
Josiane – Il y a vraiment une démarche altruiste, en fait. 
Geoffrey Bruyère – En tout cas, il y a une forme de loi du karma, une espèce de foi, où on se dit : si on continue à aller dans le sens du lecteur, du client, de la communauté en général, et bien il y a toujours un moment où une partie de la valeur qui est créée, elle nous nous retombe positivement dessus. Et après, c’est une forme d’intérêt et d’altruisme quelque part, parce que, comme on a foi dans la mécanique, ça nous incite aussi à la faire, vu qu’on pense qu’on va être récompensés. Et en même temps, il y a aussi un plaisir candide d’agir comme ça parce qu’on aime juste parler avec les mecs, leur répondre, les aider. Rien ne nous fait plus plaisir que quand on reçoit des encouragements.
Encore il y a deux jours, je reçois un message d’un lecteur qui un directeur d’une grande entreprise et qui nous dit : « Salut Geoffrey et Benoît, ça fait très, très longtemps que je vous suis. Je vous envoie juste un petit mail pour vous dire que depuis tout ce temps, j’ai fait évoluer mes valeurs et mes comportements de consommation. Et voilà, je voulais vous dire ce que j’ai fait pendant la crise en étant influencé par vous ». Il nous a expliqué qu’il a commandé 10.000 masques chez une des entreprises du Patrimoine Vivant qu’on utilise, Jules Tournier, qui est une boîte qui a plus de 100 ans, qui fait des lainages dans le Tarn. Il nous dit : « J’ai insisté avec mon board d’actionnaires parce que je voulais vraiment que l’action ait un sens, que  le port du masque soit confortable et sain pour les collaborateurs ». Donc il nous a cité deux ou trois autres exemples. Nous, on s’est dit : « Punaise, c’est trop génial ! » 
Tu vois, indirectement, parce qu’au moment où il y a eu ce rapport avec cette personne de la communauté, il y a eu une commande qui est passée dans une belle entreprise du Patrimoine Vivant, il y a eu des collaborateurs qui ont été sensibilisés au savoir-faire, il y a eu des normes sanitaires qui ont été respectées … Il y a eu plein de choses !  C’est juste trop cool, quoi. Et si à la fin, on se dit : Si ce mec a acheté 15 vêtements en 5 ans, on est contents et on est pas frustrés de se dire qu’on a créé beaucoup plus de bonnes choses que ce que nous on en a retiré.
Josiane – C’est génial ! Mais ce que tu dis, cet exemple, ça me fait vachement penser au livre de Seth Godin, qui dit que, justement, le vrai marketing, c’est celui qui marche, il est toujours généreux, en fait. C’est ça que le marketing n’est pas un gros mot. Quant tu as une démarche généreuse, vers les autres, pour aider les autres, pour apporter de la connaissance, ce que tu dis, c’est que ça revient en boomerang. Donc ça, c’est toujours positif en fait. C’est pas du marketing agressif comme on peut avoir cette image un peu cliché du marketing.
Geoffrey Bruyère – Oui, oui, je suis d’accord que c’est une dynamique qui fonctionne vraiment. Après, je dirais qu’il y a quand même des secteurs et des niveaux de gamme où elle fonctionne mieux qu’ailleurs. Tu as quand même des secteurs qui sont uniquement drivés par le facteur prix. Par exemple, si je prends la mode, la fast fashion, elle ne peut pas se permettre d’être généreuse. Parce que si elle est généreuse, ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu’elle arrête de fabriquer au Bangladesh, ça veut dire qu’elle dit la vérité à ses clients, ça veut dire qu’elle se met à utiliser des pigments plus chers, mais pas toxiques, ça veut dire que elle traite bien ses collaborateurs en boutique, qu’elle n’en fait pas simplement des machines à replier des T-shirt. Et même si, en fait, les gens d’une entreprise de fast fashion, les dirigeants, les actionnaires, les managers, les salariés, avaient envie de faire bouger les choses, ce n’est pas dit que le client accepterait que le t-shirt passe de 8 à 13 euros. Et je pense du coup qu’il y a des secteurs comme ça où la route est longue ! Où elles peuvent bien plus difficilement être dans des logiques de création de valeur.
Et il y a des secteurs où c’est vraiment encore pire. Quand tu vois le fermier texan qui fait de l’agriculture de masse, peut-être qu’il peut appliquer certaines notions comme ça dans sa culture interne d’entreprise, en traitant bien ses fermiers, ses employés, ses ouvriers et tout. Mais encore faudrait-il qu’il ait une écoute côté client. Et quand, en face de lui, il se retrouve avec les acheteurs de la grande distribution, où on te met dans un couloir, où on te fait attendre deux heures exprès, juste pour montrer qui est le boss et qui a le pouvoir, et qu’ensuite, tu rentres dans un long couloir où le mec écrase tes prix en te comparant avec tous les autres mecs qu’il a écrasés avant. Il te dit : « Bon bah, je te prends, mais il faut que je t’écrase encore plus que les autres ». Pour eux, c’est un peu plus difficile !
Josiane – Et ça me fait penser, d’ailleurs : est-ce qu’il y a des erreurs marketing que vous avez faites pour Bonne Gueule ?
Geoffrey Bruyère – Oui, je dirais qu’on a certains postulats qui n’étaient pas bons et que ça nous a conduit à des erreurs ou des exagérations. Par exemple, tu vois, la transparence et expliquer, c’est un fondamental chez nous, mais je pense qu’à un moment, plus tu expliques et plus on te pose des questions, plus on te pose de questions et plus tu t’expliques… Et en fait, tu arrives dans une situation où d’un côté, comme tu seras rentré dans la justification, ce qui n’est pas bon, parce que tu restes responsable de tes décisions, enfin, tu restes, entre guillemets, « souverain » de ton business, de tes choix. Tout n’est pas à expliquer. À un moment, il faut dire : Je te comprends, mais j’ai choisi ça.
Et l’autre truc, c’est que plus tu expliques de choses, plus à un moment les gens vont, ils vont te challenger encore plus. Et parfois, certains consommateurs ne vont pas de féliciter pour les 99% de choses que tu fais bien, ils vont te reprocher encore les 1% de choses que tu ne fais pas encore bien. Alors qu’une boîte qui fait peut être 50% de trucs bien et 50% de trucs pas bien, comme la plupart des boites, on ne va rien leur demander. Nous, les mecs, parfois ils nous disent :  « mais pourquoi est-ce que vous présentez pas les vêtements six mois à l’avance pour qu’on ait vraiment le temps de réfléchir ? » Nous on leur dit : « Attendez, on vous les présente déjà, avec l’agenda, trois mois à l’avance. Ensuite, tout le vêtement est parfaitement expliqué une semaine à l’avance.  Vous n’avez pas besoin de six mois pour savoir si vous voulez acheter un pantalon !  » Et aucune autre marque ne présente autant en détail ses vêtements et autant à l’avance tout court.
Donc, il y a un effet où plus tu en donnes, plus les gens, parfois, s’y habituent et le prennent pour des acquis. Et ils en demandent encore. C’est là que parfois, il faut savoir mettre une limite et rester ferme dessus : « Je comprends, mais je ne souhaite pas communiquer là-dessus aujourd’hui. »
Josiane – Et ça, ça vous a amené à ajuster votre communication à un moment donné ou vous avez toujours garder la même façon de parler à vos clients ? 
Geoffrey Bruyère – On continue à se montrer proches, auditables, je continue à répondre à chaque mail, à chaque commentaire sur le forum qui m’est adressé, etc. Simplement maintenant, il y a des moments où on attend nous-mêmes de bien bosser le sujet avant de communiquer. Parfois, la communication, ça a aussi des retours de flamme, parce que tu communiques sur un truc,  et puis ensuite, tu as par exemple un retard de production alors que tu as communiqué sur une date de sortie. Et puis, au final, tu te retrouves à communiquer une autre date, et recommuniquer une autre date …
Là, par exemple, pendant le Covid, les fournisseurs ont tous des petits retards. Et donc au final, alors que tu es celui qui a super bien communiqué et qui  a été très transparent, tu passes pour celui qui ne sait pas gérer sa prod, alors que tout le monde a les mêmes problèmes. Donc tu as certains effets comme ça à gérer, il faut faire gaffe et il ne faut faut pas hésiter à dire : « Je comprends ta question, je comprends ta curiosité et ça me fait plaisir que tu me poses la question. Mais je ne souhaite pas communiquer aujourd’hui. Nous communiquerons plus tard. » Il ne faut pas hésiter à le dire, sinon tu rentres dans des justifications sans fin et en vrai, ça ne s’arrête jamais. Et puis, à la fin, tu ne travailles plus, tu t’essouffles à répondre à des questions sur un forum, qui ne s’arrêtent jamais.
Josiane – Tu veux dire qu’on peut tout à fait être ferme, sans avoir besoin de se justifier en permanence, quoi. 
Geoffrey Bruyère – Oui, exact. Et puis, il y a certains éléments où, sans en faire des secrets, tu as le droit de pas les divulguer tout de suite.
Josiane – J’avais entendu que vous aviez créé un groupe Slack avec les 200 meilleurs clients de Bonne Gueule pour leur poser des questions sur la marque, pour tester vos idées. Je trouve ça super aussi comme initiative Tu peux m’en parler un petit peu ? 
Geoffrey Bruyère – Oui ! Moi, j’aime vachement ce groupe. On l’appelle le CM201 : « CM » parce que c’est la communauté, « 200 » ce sont les meilleurs, et « 1 » parce que c’est un peu nos membres « number one ». Ça, c’est cool. Souvent, on leur envoie des sondages on leur poste une photo : Qu’est-ce que vous en pensez ? On n’hésite pas à s’en servir, un peu comme une sorte de mini focus group. Et en même temps, c’est super cool de les savoir à côté, dans le propre réseau social de l’entreprise, parce que parfois, ils envoie des encouragements, ils remercient des gens de l’équipe, parfois, ils sortent des blagues… C’est cool aussi que ce soit du fun, quoi ! C’est important, le fun.
Et puis, ce qui est cool aussi, c’est qu’ils s’animent souvent tout seul. Il y en a un qui lance un sujet, les autres répondent. Et en fait, sans interagir parfois avec chaque sujet, parce que je n’ai pas forcément un truc à rajouter à chaque point, c’est aussi intéressant de voir comment ils réfléchissent : Qu’est-ce qu’ils aiment ? Comment ils perçoivent des choses ? Qui ils sont, tout simplement. Ça donne une vraie réalité tangible à pour qui on travaille.
Josiane – Et puis surtout, de les inclure dans le process de création, c’est génial, je trouve ! 
Geoffrey Bruyère – Oui, c’est vrai qu’il y a un impact aussi : quand les gens se sentent impliqués, ils sont encore plus engagés. Après, je n’aime pas non plus tomber dans certaines marques. C’est un peu la mode en ce moment d’envoyer des sondages aux consommateurs : Comment tu veux ton jean ? Plus ou moins court, plus ou moins long, plus ou moins bleu, plus ou moins petit ? En vrai, ça n’a aucune utilité pour la marque d’un point de vue prod. Parce que quand tu poses à 1 000 personnes ces questions, la réponse, tu la connais déjà. C’est la moyenne arithmétique. C’est un produit ni trop long, ni trop court, ni trop bleu, ni trop gris, ni trop lourd, ni trop léger. Le seul truc, c’est que tu les engagés et en fait, c’est pour ça que les marques le font. Et là, je trouve que ça manque un peu de sincérité. Du coup, tu vois, la démarche c’est un peu de les engager malgré eux, mais sans réellement au final écouter ce qu’ils veulent, parce que tu avais déjà prévu le truc que tu allais leur donner.
Alors que là, il y a un côté plus spontané. Parfois, tu vas avoir un mec qui va nous dire : « Ce serait trop bien un pantalon de cette forme avec des poches cargo ! » Nous on va se dire : « Ah ouais, pourquoi pas ? Vous, vous en pensez quoi les autres ? » Ils répondent, et là, tu as vraiment un truc qui ressort qu’on n’avait pas prévu. Et c’est ça qu’on aime. 
Josiane – Tu parlais de marque tout à l’heure, est-ce qu’il y a une marque ou une personne qui t’inspire dans sa stratégie marketing ?
Geoffrey Bruyère – Oui, il y a pas mal de gens dans le secteur où ailleurs, que je respecte vachement et que j’admire beaucoup comme manager. J’aime beaucoup –  et derrière, en stratégie marketing qui en découle – j’aime beaucoup Emery Jacquillat. C’est le fondateur de Matelsom, qui a racheté la Camif. À une époque, la Camif, c’était une centrale d’achat pour les professeurs, où tu trouvait tout et n’importe quoi. Et maintenant, c’est vraiment un magasin de meubles éco-responsable. Ils ont un beau site, c’est clair, c’est net. On comprend les valeurs de la marque. Ils organisent du tourisme industriel aussi avec leur clientèle : ils les emmènent chez leurs fournisseurs, visiter les usines. Et je trouve ça trop cool, j’aimerais bien le faire un jour. Ça, j’aime vachement.
Du point de vue de la qualité du copywriting, de la DA, de tout, moi, je suis abasourdi par Hermès. Je ne suis pas du tout client de la marque. Je ne suis pas du tout le profil de clientèle, mais vraiment, chaque mot, chaque phrase, tout est malin, tout est bien dit, tout est court, tout est bref, tout est limpide. Pour moi, Hermès – je ne sais pas combien ils ont gens qui bossent derrière, et d’agence – mais en vrai, le résultat final, c’est la quintessence du copywriting. C’est magnifique. Juste pour le plaisir, pour les petits jeux de mot ! 
Josiane – Et c’est vrai qu’à chaque détail est soigné à la perfection, c’est hallucinant. J’avais vu il y a pas très longtemps leur bilan financier, et même sur la couverture, en fait, ils avaient fait appel à un artiste qui fait des collages à partir de petits personnages d’imagerie d’Epinal. C’est magnifique, et rien que le rapport, il est beau, tu as envie de le lire. Tout est hyper soigné, je suis tout ç fait d’accord ! 
Geoffrey Bruyère – Quand je suis sur leur site, tu as une photo avec un mec avec la cravate Hermès, orange classique avec les petits motifs, qui fait du ski nautique. Il y a marqué : « Figure libre », et tout de suite, tu comprends qu’il s’agit des motifs avec les figures, le mec, tu imagines qu’il va faire une acrobatie sur une vague, tu as la sensation de liberté du mec qui glisse. Et tu as marqué : « Légèreté et douceur rembarquent à pleine vitesse, entre slalom contrôlés des carrés et sauts acrobatiques des cravates. » Et tu vois, tu as tout ! Tu as même les assonances : « acrobatiques des cravates ». « Mais pour qui sont ces serpents qui sifflent sur nos têtes ? » : c’est ce qu’on appelle les assonances. Il y a tout, les mecs condensent tout dans une phrase ! Je ne sais pas combien de temps ils y passent, mais le résultat, pour les gens qui aiment les mots, c’est du bonbon.
Josiane – Et d’ailleurs, en parlant d’écriture : en quoi est-ce que la newsletter de Bonne Gueule, ça a été un outil important pour vous ? Je crois que vous avez même développé une newsletter payante ?
Geoffrey Bruyère – Non, non, nous tout est gratuit, sauf les vêtements, aha !  Même le livre qu’on avait sorti et qu’on avait édité, là, on va le ressortir en gratuit. On a décidé de ne pas le rééditer en payant. On va le rééditer en l’offrant. La newsletter, nous, on a toujours eu une conviction en termes de plateforme, c’est que quand tu es sur ton groupe Facebook, quand tu es sur ta page Instagram, tu n’es pas chez toi. Tu es chez Mark Zuckerberg,  tu es chez Larry *Page* et Sergey *Brin* (fondateurs de Google). Mais tu n’es pas chez toi. Ça veut dire quoi, de ne pas être chez toi ? Ça veut dire que comme ce canal, il n’est pas propriétaire, tu n’en maitrises pas les règles. Et l’histoire n’arrête pas de se répéter, mais pourtant, les gens continuent à faire les mêmes erreurs.
Il y a 15 ans, Google arrive chez les titres de journaux et leur dit : « Grâce à la puissance de notre outil de recherche et d’Internet, on va digitaliser vos contenus, on va les rendre super accessibles en format AMP dans nos résultats de recherche. Vous allez avoir plus d’audience, ça va être plus rapide. Vous allez pouvoir dégager plus de revenus publicitaires parce que vous aurez plus d’audience à vendre à vos annonceurs et tout le monde sera content. » Sauf que qu’est-ce qui se passe ? Le consommateur commence à être habitué à ce canal. Il se met à consommer le contenu via Google de plus en plus, au lieu de le consommer directement sur le site web du journal ou en achetant le journal en lui-même. Et puis, une fois que le comportement est là, le GAFA, qu’est-ce qu’il fait ? Il dit : « Maintenant, je vais mettre mes propres pubs sur le flux d’articles. » Et comme le média, lui, il est un peu entre le marteau et l’enclume – d’un côté, le GAFA lui apporte des revenus publicitaires et d’une autre, il en compte de plus en plus – il y a une espèce de relation de parasitisme qui se développe ! Et ensuite, c’est arrivé pareil avec Facebook, qui a dit à toutes les marques : « Il faut faire des groupes Facebook, vous allez voir, c’est génial. Quand vous posterez un truc sur votre compte Facebook, 100% des gens l’auront dans leur thread. » Aujourd’hui, c’est 1% des gens qui reçoivent dans leur flux d’informations ce que poste une marque. Et maintenant, les marques doivent payer pour accéder à leurs propres audiences sur Facebook. Ensuite, ça a été pareil sur Instagram. Maintenant, c’est en train d’arriver avec les stories. Et maintenant, c’est Instagram qui lance sa propre webtélé ! Et l’histoire continue à se répéter.
C’est pour ça que nous avons toujours été hyper partisans pour développer nos audiences sur deux canaux qui sont notre site Web et notre newsletter. Ce sont des canaux propriétaires. La newsletter d’une marque, c’est à la marque. Idem pour le site web. Ce n’est pas un truc qui appartient à un GAFA. Et après, on a quand même une chaîne YouTube, on a quand même des réseaux sociaux, mais la posture n’est pas de se dire que nos audiences doivent se développer dessus. La posture, c’est de se dire que ces pages Facebook, cette chaîne YouTube qu’on a, ce sont un peu comme des ambassadeurs, des émissaires qui vont faire découvrir Bonne gueule à des audiences qui sont là-bas, avec l’objectif de les faire revenir vers notre newsletter, vers notre site web et vers nos boutiques. Donc, tu vois, il y a une logique de se dire qu’il y a le centre du système solaire, tes canaux propriétaires : ton site web, ta newsletter, tes boutique, c’est vraiment tes actifs. Et tout le reste, c’est uniquement des choses qui viennent renforcer le centre de ton système solaire. Tout le reste, c’est des satellites. Il y a trop de marques pour qui le le centre du système solaire, c’est Instagram. C’est des marques qui se retrouvent à devoir dépenser de plus en plus en pub, et qui sont de plus en plus étranglées. 
Josiane – En effet, elles sont à la merci de ce qu’Instagram décidera un jour. 
Geoffrey Bruyère – Exactement. C’est pour ça que les stratégies de contenu, c’est génial parce que tu peux les héberger toi-même. C’est complémentaires. Tu peux dépenser de l’argent sur les canaux satellites et ensuite, tu peux faire de la fidélisation, de la rétention, parce que les gens aiment bien venir et revenir lire tes contenus sur ton canal propriétaire. 
Josiane – Ce qui est très fort aussi en termes de contenu, et que vous avez fait, c’est que vous faites des contenus qui restent longtemps. Vous ne faites pas des news, des brèves, sur des tendances ponctuelles. Vous faites des articles de fond qui sont très longs.
Geoffrey Bruyère – Oui, parce que là encore, c’est ce qui dégage le plus de valeur sur le plus longtemps. Faire de l’actu, je ne dis pas que c’est sans valeur, mais ça a une valeur qui est très éphémère. Tu vois, faire des tops de vêtements que les gens peuvent acheter, c’est un contenu qui périme au bout de 6 mois, parce que même au bout de 3 mois, tu as déjà la moitié des vêtements qui sont sold-out. Faire un truc sur les tendances des défilés, de la saison printemps-été 2019, pareil, ça intéresse les gens un mois. Alors que quand tu fais des vrais contenus qui durent, ils te rapportent des gens sur la durée, ils sont sur la durée, tu peux les remettre à jour au fur et à mesure. Google en plus, il adore ça, donc il te référence vachement bien. Ça n’a que des effets positifs. 
Josiane – Et le but derrière tout ça, c’est encore une fois de fidéliser les clients. J’avais lu justement un article de Benoît là-dessus, qui disait que le but de Bonne Gueule, c’était de construire une relation durable avec les clients, plutôt que de chercher à avoir la croissance la plus rapide possible. Je me demandais : est-ce que c’est un choix que vous avez eu dès le début, qui était clair et évident, comme une valeur ? Ou est-ce que ça s’est dessiné plutôt au fur et à mesure ? Peut-être même en perdant des clients et en se demandant pourquoi et donc en en revoyant votre stratégie ? 
Geoffrey Bruyère – Je dirais que, petit à petit, tu as des convictions qui émergent, année après année, quand tu passes du temps à entreprendre. Et quand tu accumules à la fois des succès et des échecs. Après, c’est pas des vérités absolues, seulement des vérités qui sont propres à ton business et parfois même, dans le temps, il faut parfois les revoir. Mais voilà, parfois tu as des convictions qui apparaissent. C’est vrai que certaines des convictions qui sont très ancrée chez nous, c’est le fait de se dire : on préfère fidéliser qu’être une comète, une étoile filante qui fait kiffer les gens, mais ensuite qui les déçoit.
Je sais qu’en ce moment, il y a pas mal de marques qui reprennent ce marketing qu’on était un peu les premiers, il y a dix ans, à mettre en place, où on explique vachement le produit, on explique ses labels, on emploie du vocabulaire technique pour faire de la pédagogie et pour convaincre la personne de la qualité et du savoir-faire. Et on voit de plus en plus de marques qui galvaudent certains de ces termes. Ou, par exemple, qui vont dire : « notre produits éthiques » parce que, par exemple, il y a le label Reach. Mais en vrai, Reach, c’est pas un label éthique. C’est juste le minimum légal pour qu’un produit fabriqué en dehors de l’Europe ait le droit d’y être vendu. En fait, Reach a une liste de substances toxiques interdites. Donc, dire « mon produit est éthique » parce qu’il n’y a aucun produit toxique interdit, je pense que c’est un peu exagéré ! Encore heureux qu’il n’y a aucun produit toxique interdit, sinon le produit n’aurait même pas le droit d’être vendu. 
Donc, tu vois, il y a des marques qui aujourd’hui reprennent un peu ce marketing, mais sans faire le travail derrière. Et in fine, elles déçoivent le client. Comme elles arrivent à faire des produits moins chers, parce que les produits sont inférieurs et qu’ils font moins le taf, et que la promesse marketing est la même, eh bien, il y a une perception de valeur qui, parfois, peut être assez importante pour des clients pas éduqués. Et du coup, ils vont essayer la marque, mais souvent, ils vont être déçus derrière. Mathématiquement, c’est beaucoup plus intéressant d’avoir une croissance un peu plus faible, mais de garder chaque client que tu acquiers, parce qu’en vrai, c’est des strates de chiffre d’affaires qui s’empilent année après année. Alors que quand tu grandis, grandis, grandis, super, ton chiffre d’affaire est maousse, mais si tu as un rythme de perte de clients, ce qu’on appelle du churn ou de l’attrition, trop important, assez rapidement, ton business décrit une courbe en cloche. Parce qu’en fait, il va vachement grandir jusqu’au maximum de la cible adressable. Et une fois qu’il a adressé tout le monde, une fois que tout le monde a vu les pubs de telle ou telle marque, qui fait ses petits trucs en prévente et compagnie, une fois que les mecs qui devaient tester ont testé et s’en sont détournés, game over pour la marque.
Alors que quand tu prends ton temps à créer cette relation et qu’en même temps, tu as des effets supplémentaires, petit à petit, qui se rajoutent, de bouche à oreille, de confiance, et qu’en temps de crise, tu incarnes une marque refuge. Là, tu vois, le week end dernier, on a fait un des cinq plus gros lancements de l’histoire de Bonne Gueule, alors qu’on est en sortie de crise du Covid ! Je pense que c’est parce qu’on a bâti cette relation, on a bâti cette confiance. Et pendant la crise, on ne s’est pas mis à lancer des produits, en blablatant. On a plutôt arrêté de lancer les produits et à la place, on a fait une vraie action : on a filé 18.000 euros à la lutte contre le virus. 
Pour moi, c’est ça, le bon marketing, sain. C’est du marketing dans lequel tu crois, qui a du sens, qui a une utilité pour toi, pour l’entreprise, pour la société, pour tes clients et fournisseurs. C’est une sorte de pont, de pacte social entre tout le monde, qui est exprimé. Un modèle économique sain, c’est un pacte social, et un marketing sain, c’est comment tu l’expliques. 
Josiane – On crée quelque chose d’extrêmement solide, tu viens de le montrer, et c’est ça qui est génial ! 
Geoffrey Bruyère – Oui, c’est un truc qui dure quoi ! Après, comme toute entreprise, tu as des faiblesses. On ne sait pas ce qui peut arriver demain. Peut-être qu’il y aura une nouvelle tendance qu’on n’aura pas captée en termes de canal de distribution, peut-être que tout le monde va vouloir acheter, comme en Chine, par LiveChat. Peut-être que nous, on n’y croira pas et qu’on ira trop tard. Je n’en sais rien. Mais ce qui est sûr, c’est que ça donne beaucoup, beaucoup, beaucoup de d’amortisseurs.
Josiane – Alors, je vois que le temps passe et je vais passer aux trois petites dernières questions du podcast. Est-ce que tu peux me raconter un échec dans ton parcours d’entrepreneur et dire ce qu’il a apporté ? 
Geoffrey Bruyère – Un échec personnel ou un échec de l’entreprise ? 
Josiane – Ah, tu choisis celui que tu veux ! C’est comme tu veux. 
Geoffrey Bruyère – On va être responsable de ses échecs, alors, on va parler de soi pour les échecs, aha ! 
Alors il y a un échec qui était intéressant. A une époque, on était plusieurs à partager un grand open space avec d’autres marques, dont le site e-ommerce Exception. Quand ils sont partis prendre d’autres bureaux et que nous, on s’est retrouvés avec un espace trop grand pour nous, moi, j’insistais vraiment auprès de l’équipe pour qu’on trouve un nouveau locataire. Et puis, il y a un mec de l’équipe, qui s’appelle Florian Deveaux, qui aujourd’hui est le numéro 2 et fait le marketing de Wopilo, une chouette marque de coussins, ils ont gagné le concours Lépine, je crois, des coussins pour dormir et qui évitent le mal de cou. Donc ce mec, que j’adore, qui était le tout premier stagiaire de Bonne Gueule et qui est devenu un des salariés qui est resté le plus longtemps, a vachement insisté pour que, à la place, on fasse un show room. Qu’on montre nos vêtements et qu’on fasse une boutique ! Et moi, je fais : « Flo, attends, on n’est pas sûrs que les gens viennent. On a un loyer énorme à payer, il faut qu’on arrive à le diluer. Il va falloir qu’on achète des meubles pour que ça ne fasse pas pourri. » Parce qu’on parle quand même d’une cave du Sentier, avec en plus le parquet un peu gondolé parce qu’il y avait eu un dégât des eaux ! Ça faisait une pyramide, aha ! 
Josiane – Ça ne fait pas forcément rêver au départ, aha ! 
Geoffrey Bruyère – Et le truc était en plein Sentier, en face, les commerces c’était un truc de textile à l’ancienne, qui avait été repris par deux mecs qui vendaient des cigarettes électroniques. Le machin d’à côté, c’étaient des mecs qui déchargeaient des rouleaux, vraiment à l’arrache. Le Sentier, c’était encore le truc des ateliers clandestins ! Et ça existe même encore un peu.C’était vraiment le quartier où tu avais ça. Qui va venir dans notre cave, quoi ? 
Et en fait, j’ai vraiment eu tort de penser comme ça. Et j’ai eu de la chance d’avoir quelqu’un en face qui défendait et qui argumentait avec passion ses convictions. Parce que finalement, on l’a fait, le show room. Et puis ça a été un carton. Ça ramenait quasiment 20 000 euros par mois de vente, dans une cave du Sentier. Improbable. Et puis, c’est suite à ça qu’on s’est dit : « Si on ramène 20.000 euros par mois dans une cave du Sentier, il n’y a pas de raison qu’on ne ramène pas 40 000€ par mois dans une boutique du Marais ». Du coup, on va ouvrir une boutique dans le Marais. 
Donc c’était mon erreur, mais à la fin, ça m’a appris que c’est souvent les managers aussi qui ont raison et qu’il faut les écouter. 
Josiane – C’est génial. C’est une super belle erreur, là ! 
Geoffrey Bruyère – Mais elle est dure à ne pas faire au début, cette erreur, parce qu’au début, tu es avec des gens qui sont souvent jeunes, et toi même, tu es jeune aussi, donc du coup tu es moins dans l’écoute. Et en même temps, tu as besoin d’avoir un management un peu plus directif. C’est vrai qu’au fil des années, tu as des managers qui ont de plus en plus du recul, de plus en plus d’expérience. Donc c’est plus facile de faire confiance quand toi, tu es rassuré, avec en face des gens très capés, qu’au tout début, quand tu es avec une équipe de petits piou-piou, qui sortent tous de leur premier stage d’école et qui sont au deuxième. En même temps, c’est aussi des énergies et des gens qui apportent d’autres choses, qui apportent un dynamisme, une sensation que tout est possible. 
Il faut arriver à s’adapter aux étapes. Et peut-être que les erreurs que je fais aussi souvent, c’est parfois, selon les personnes ou selon les contextes, souvent de ne pas suffisamment adapter mon mode d’interaction avec eux, peut-être parfois être un peu trop directif avec une personne très cappé, très argumentée ou à l’inverse, peut-être un peu trop lâcher tout seul, une personne qui finalement a besoin d’aide, mais ne l’exprime pas.
Josiane – Après les erreurs, les moments difficiles ! Qu’est-ce que tu dis dans les moments où c’est dur ? Parce que j’imagine qu’évidemment, il y en a eu depuis 2007. Qu’est-ce que tu dis pour tenir le coup ? 
Geoffrey Bruyère – Je me dis : après la pluie, le beau temps ! Moi, j’appelle ça la douche de cailloux. Plus la boîte grandit, plus ça avance, plus – pardon, je ne sais pas comment l’exprimer différemment – plus tu as d’emmerdes. C’est mathématique : tu as plus de personnes, plus de clients, plus de fournisseurs, tu as plus de tout. Donc tu ne peux qu’avoir plus de problèmes à gérer.
Ce que je me dis, c’est que j’accepte d’avoir des problèmes. J’accepte de vivre des crises, parce que c’est un état de fait. Râler contre ça, ça aurait pas plus de sens que de râler contre le mauvais temps. C’est comme ça.
Josiane – Et puis c’est pas constructif, surtout.
Geoffrey Bruyère – Voilà. Après, je me dis que bon, voilà, ça passe et après tu as des moments qui sont plus cool. Et puis parfois, je me dis aussi : Bientôt mes vacances !  C’est vrai que là, depuis août, j’ai pris deux jours de congés. Et ces deux jours de congé, quand je les ai pris, la veille, il y a eu un souci informatique de l’entreprise et on a perdu tous les contenus des pages de vente des produits qui sortaient le lendemain. On était sept au bureau, à réécrire les contenus jusqu’à 5h du mat. Donc pendant mes deux jours de congés j’étais crevé, j’étais tout stressé parce qu’on sortait le nouveau système informatique. Et en plus, il y avait deux, trois petits bugs d’affichage des ventes et au final, je croyais qu’on était à 10% de l’objectif alors qu’en fait, tout se passait bien, aha ! Donc, j’étais déjà en train de me demander comment on allait passer l’hiver.
Mais voilà, tu te dis : « C’est comme ça. » Et puis tu te retournes aussi vers des gens qui te font du bien. C’est là que c’est bien d’être bien entouré. C’est là que c’est bien d’avoir les petites tapes sur le dos des clients, des gens qui te coachent, de tes proches, de ta copine, de tes collaborateurs, de tes associés. Et d’essayer de voir le positif, le soutien, l’humain, tout ça. Et puis, à la fin, on est tous dans le même bateau, donc les gens vivent les mêmes choses avec toi.
Je me dis aussi que finalement, les crises sont des bonnes choses, ça force à accélérer sur certains projets, à résoudre certains défauts. Ça te fait repositionner, parfois de manière forcée, certaines choses, voir la situation différemment. Et puis, à la fin, ça crée une histoire commune avec les gens. Ce n’est pas quand tout va bien que les gens et tissent entre eux une histoire forte, c’est quand ça va mal, parce que c’est quand ça va mal qu’on voit que le mec ou la nana à côté, elle est solide, elle est impliquée et elle reste cool, même quand elle en bave.
Josiane – Je suis tout à fait d’accord. C’est aussi dans ces moments-là que ça soude les liens et qu’on se dit : « Regardez, quand même. On a vécu ça et on s’en est sortis. »
Geoffrey Bruyère – C’est difficile, mais il faut essayer d’y voir un peu de chance.
Josiane – Merci beaucoup, Geoffrey, merci infiniment pour toutes ces réponses sur le marketing généreux. Où est-ce qu’on peut diriger les gens qui veulent en savoir plus sur Bonne Gueule, sur toi ?
Geoffrey Bruyère – Je ne sais pas si c’est moi le plus intéressant, je pense pas ! Mais il y a bonnegueule.fr, c’est le média (en un mot, au singulier).Et il y a shop.bonnegueule.fr pour nos vêtements. Sachant qu’on a aussi des boutiques avec des conseillers, qui ne sont pas des vendeurs. Ils ne sont pas objectivés au chiffre d’affaires. Donc, si vous avez besoin de conseils en vêtements, même sans acheter, juste parce que vous avez envie de parler à quelqu’un qui est là pour partager sa passion et vous filer des tips, n’hésitez pas à passer ! 
Et puis, si vous vous intéressez un peu plus au backstage de Bonne Gueule, on a une chaine YouTube, Bonne Gueule TV, et il y a toute une chaîne où j’ai fait des petites vidéos, où j’explique mes difficultés, ce que j’apprends, mes erreurs aussi ! 
Josiane – D’accord, merci beaucoup, merci beaucoup. C’est vraiment super ! 
Le prochain épisode sera sur la communauté, justement. On a commencé à en parler ensemble et on verra en détail comment créer une communauté fidèle et engagée. C’est la fin de l’épisode, j’espère que ça vous a plu. N’hésitez pas à envoyer des commentaires et à nous dire si vous avez d’autres astuces pour construire un marketing généreux. Merci à tous et merci encore Geoffrey, salut !
Geoffrey Bruyère – Merci beaucoup ! À bientôt, prenez soin de vous !

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Josiane

Journaliste indépendante, auteure chez Flammarion et autoentrepreneure freelance, je suis allée à la rencontre d'entrepreneurs inspirants pour réaliser le podcast La Méthode LiveMentor